L’Administration pénitentiaire veut nous faire croire qu’elle essaie le mieux possible de remplir les deux volets du rôle qui lui est attribué : aide à la réinsertion et garde des personnes condamnées.
Mais l’obsession sécuritaire pèse tellement lourd qu’elle vampirise toute autre considération; elle écrase d’une chape d’acier et de béton armé tous ceux qui tentent par leur action de la rééquilibrer.
Qu’ils soient issus de son sein, peu nombreux il est vrai, ou non.
Cette obsession a engendré, depuis la naissance de cette institution, grâce au laxisme de l’État
et au désintérêt de la société civile, un fonctionnement tel qu’il s’apparente à un État dans l’État.
L’Administration pénitentiaire interprète la loi à son avantage, dicte ses propres règlements.
Un citoyen, qu’il soit du Nord ou du Sud, de l’Est ou de l’Ouest, est régi par une loi unique,
un prisonnier, non !
Il est assujetti au bon vouloir de l’AP. Ça commence au sommet de l’institution puis chaque directeur régional, chaque directeur de prison, chaque petit chef interprète, érige, dirige, exige, instaure des dictats et des règlements particuliers. L’AP veut régir toute la vie de ceux qu’elle a à charge de priver de liberté. Elle censure, fouille, observe corps, cœur et âme. Elle choisit pour eux loisir, travail, études, lectures, visiteurs. Elle est la « matriarche » omnipotente et omniprésente à peine bridée par des lois et des décrets qui laisse la plupart du temps un large champ à l’interprétation ; elle règne en monarque absolu sur ses sujets; elle s’autogére et s’autocensure, à peine contrôlée par la justice dont elle est l’enfant vomi.
Les magistrats la côtoient par nécessité, mais avec distance voire répugnance.
Un jury populaire nous a condamnés à vingt années de prison, la loi a prévu des aménagements:
elle n’en a que faire ! Selon son bon vouloir, vous en ferez huit, dix, douze, seize ou vingt !
La fourchette est large. Tout prisonnier qui franchit la ligne fluctuante qu’elle instaure en interprétant les textes du législateur suivant la politique du moment, l’esprit de ses chefs, l’époque est un déviant sur lequel s’abattent ses Fourches Caudines. Déjà embastillé, elle l’emprisonne dans la prison, I’isolant, le confinant, le mitardisant.
Elle camoufle son régime dictatorial par quelques aménagements domestiques arrachés par quelques sujets qui se sont révoltés (à quel prix !) ou récemment par des directives européennes.
Lorsqu’elle concède quelque chose, c’est contrainte et forcée et à regret. Elle ressent l’amenuisement homéopathique de ses pouvoirs comme une humiliation profonde.
Tranquillement installée dans le dernier wagon de la République, elle peut servir pour longtemps encore, chaque gouvernement qui tombe laissant pourrir dans ses tiroirs l’Arlésienne de sa grande réforme.