Nous, détenus longue peine, subissons des censures qui nous sont imposées par l’Administration pénitentiaire sous couvert de mesures d’ordre et de sécurité.
Il y a quelques mois, à la maison centrale d’Arles, l’on commençait à nous censurer par exemple le journal L’Envolée (mensuel qui dénonce les quartiers d’isolement, les longues peines et leur allongement systématique ces dernières années, les suicides bien trop nombreux dans les geôles de l’Etat français et pour finir un journal qui nous laisse un espace de parole où nous pouvons exprimer nos impressions et sentiments concemant notre enfermement ainsi que nos convictions politiques).
Comme si cette censure n’était pas suffisante, nous pouvons lire dans un article paru le 1er septembre dans Le Journal du dimanche, qui lui n’est pas censuré par l’AP, ces quelques lignes vomies par un délégué Ufap de la prison de la Santé à Paris : « C’est un joumal abominable et ordurier qui nous fait passer pour des tortionnaires », « Il est censuré quand il arrive par la poste. »
Il semble que toutes les vérités ne soient pas bonnes à entendre !
Oui, vous êtes des tortionnaires et vous serez considérés comme tels tant que des détenu(e)s seront détruitess psychologiquement et physiquement durant des années dans les quartiers d’isolement, tant que les quartiers disciplinaires (mitard) existeront, tant que la peine à perpétuité sera en vigueur et, pour finir, tant que la prison ne sera pas abolie.
Oui, vous continuerez à être vus comme des tortionnaires tant que vous cautionnerez un système carcéral qui nous meurtrit au plus profond de nous-mêmes.
Nous sommes forcés de constater que dans un pays comme la France, qui se dit être le berceau des droits de l’homme, dans les geôles de ce dit pays, l’on censure encore certains journaux. Que tous les vaguemestres des prisons de l’Etat français en sont encore à lire les courriers que nous envoient nos familles et nos amis ! Lorsque la teneur et le contenu d’un courrier ne plaît pas à l’AP, et ce, toujours par mesure d’ordre et de sécurité, l’on censure la lettre ou, pire, l’on fait disparaître le courrier !
Par conséquent, tant qu’il y aura toutes ces censures, que la lecture systématique de nos courriers sera de mise, qu’un grand nombre de nos camarades continueront à pourrir dans les quartiers d’isolement et les quartiers disciplinaires, que la réclusion à perpétuité sera toujours prononcée par les bourreaux assermentés des cours d’assises, nous lutterons pour dénoncer tous ces abus et toutes ces atteintes au respect et aux droits de l’être humain.
Courage, force et détermination à tous les détenu(e)s et militant(e)s qui luttent contre ces lieux de non-droit que sont les prisons.
Philippe PEYRONNET.
Maison centrale d’Arles
septembre 2002