PRENONS DE L'ALTITUDE !…

Début juillet, le même jour, deux cours d’assises ont rendu leur verdict.
A Lille, un policier accusé du meurtre d’un jeune Arabe, a été condamné à trois ans avec sursis. ll n’ira pas en prison.
A Aix-en-Provence, trois prisonniers qui tentèrent de s’évader en hélicoptère ne sortiront pas de sitôt, la peine s’est ajoutée à la peine, respectivement dix, huit et six ans.

Non ! Nous n’allons pas une nouvelle fois évoquer l’iniquité des décisions de cette administration de la justice. Nous savons que l’Etat et les toges rouges protègeront toujours leurs flics, quoi qu’il arrive – ils ont tellement besoin d’eux –, et qu’ils abattront d’autant plus leur courroux sur les plus misérables. Et qu’y a-t-il de plus vulnérable qu’un homme déjà enchaîné ? Comme au catéchisme, chaque procès a sa morale, il doit porter à la connaissance de tous le message des tout-puissants.
A Lille, en vérité je vous le dis, tout policier qui tirera pour tuer, à 15 cm de la nuque, sera absous.

A Aix, mes chers frères, tout prisonnier qui profitera de l’occase et tentera de se faire la malle sera sévèrement châtié. Et dans les chaumières et les cabanons de Police City, la messe est dite à la télévision. La vestale du vingt heures, lookée Chanel, annone la sentence.

Quelques images illustrent le propos.

A Lille, le flic assassin sort protégé par des amis de la police comme il se doit. Il porte un gilet pare-balles. « Le pauvre, il est menacé ! » Sa femme en pleurs n’est pas loin. On a droit à quelques larmes au téléobjectif.
A Aix, ils reviennent sur le « crime ». Souvenir d’un cadavre pendu au filin sous l’hélicoptère, évocation de la course-poursuite sur la route de Cassis, puis des vues de la prison des Baumettes, une sensation de fourmilière dangereuse, cour de promenade exotique et des bras aux fenêtres des cellules qui se tendent vers le ciel.
La journaliste évoque un « verdict de clémence ».
Pour le jugement de Lille ? Bien sûr que non ! Mais pour celui d’Aix évidemment…
La prêtresse médiatique est si absente, étrangère, à la réalité des situations dont elle parle, que dix ans de prison paraissent une broutille. Elle qui pleura si fort, lorsqu’un de ses collègues fut retenu quelques semaines par des miséreux sur une île lointaine. Elle ne sait rien de ce qu’est la vie des détenus repris après une évasion, le mitard, I’isolement, les humiliations et les pressions permanentes des matons. Alors dix ans de plus...

… ALORS DIX ANS DE PLUS…

La France est connue pour avoir, avec la Turquie, le système pénitentiaire le plus rétrograde d’Europe. Et pas besoin de revenir sur les deux rapports parlementaires qui ont fait l’actualité de l’an passé. Mais ce pays est également connu pour faire de l’évasion, tant de ses préparatifs, de la tentative que de l’acte lui-même, un délit. Car, chez nos voisins, comme en Suisse ou en Belgique par exemple, la cavale est un droit reconnu à ceux qu’on punit et enferme, un droit naturel en quelque sorte.
Et les choses ne vont pas en s’améliorant. Le Code pénal mis en application en 94 a rebaptisé l’évasion en « atteinte à l’autorité de la justice et des magistrats ». Ils sont allés jusqu’à qualifier d’évasion « le non-retour de permission » !
Pourtant, ça ne suffisait pas puisqu’à Aix, pour les magistrats, il ne s’agit plus de poursuivre un délit mais un crime. C’est pourquoi, le procureur requit contre les détenus des Baumettes vingt ans de réclusion ! Et pourquoi pas perpète !
Pourtant l’assassiné fut un prisonnier criblé de balles – bien que désarmé.

Rassurez-vous braves gens, le gardien qui fit le carton – un mort et deux blessés graves – ne fut jamais inquiété. Et comme dans ce pays on fait bien les choses, on le « promotionna » et on le décora.

Si nous avions mauvais esprit, nous pourrions dire qu’à Lille et Aix, les assassins sont absous, parce qu’ils portent un uniforme, parce qu’ils représentent l’autorité… Mais surtout parce qu’ils sont protégés par les ligues factieuses des syndicats policiers et pénitentiaires, piliers du lobby sécuritaire qui, aujourd’hui, font et défont les élections.

Pour conclure, nous dirons que dans ce pays, désormais, il est jugé moins grave de tuer un citoyen reconnu de seconde zone que de tenter d’échapper aux mouroirs et autres éliminatoriums de la République.

Voilà la leçon qu’il faut tirer des procès de juillet 2002.

Rien n’a vraiment changé au royaume de France. « Suivant que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »