« On ne peut pas ouvrir une prison mille fois mais on peut fermer mille prisons une fois »…

La mise en application de la politique sécuritaire (la « gôche » l’a organisée, la droite la réalise) est en train de donner les résultats tant attendus. Les opérations coup de poing menées par Sarkozy ont peuplé les maisons d’arrêt de ces « jeunes sauvageons » qui, comme l’a dit un procureur de Valence, pourront ainsi « mûrir en prison ». Il est maintenant facile de mettre sur le dos de ce surpeuplement tous les problèmes qui surgissent en prison. De fait, tous s’accordent à dire qu’il est necessaire de construire de nouvelles places de prison pour améliorer les conditions de détention. De la direction de l’AP aux syndicats de matons, des ministères de la Justice et de l’Intérieur aux associations humanistes, tous démontrent l’urgence des nouvelles prisons pour éviter une situation qui devient pour tous ingérable. On pouvait lire dans un article de Drôme Info Hebdo du 23-08-2002 au sujet d’ un prisonnier qui est accusé d’avoir mis une claque à un maton que : « le projet de construction d’un nouveau centre pénitentiaire à Valence est donc plus que jamais d’actualité ».

Tous ont rapidement « oublié » que le projet de construction de 8 000 nouvelles places de prison existait bien avant la mise en avant des problèmes de surpopulation, qu’il s’agit avant tout de construire des centrales à effectif réduit pour enterrer vivants les prisonniers condamnés à de longues peines.

Ils « oublient » de dire qu’au départ ces nouveaux établissements étaient censés en remplacer des anciens. Déjà, en 1990, ils avaient utilisé le même stratagème. « Pour se dédouaner à bon compte ; certains magistrats “ libèrent ” quelques détenus en criant haro sur l’amnistie. Pour ces quelques libérations, des milliers d’incarcérations supplémentaires (près de 48 000 détenu(e)s) dont un pourcentage important de détentions préventives… derrière le pyromane ne trouve-t-on pas souvent le pompier ? Arpaillange affirme que le problème de la surpopulation sera réglé grâce à la mise en service des 13 000 places supplèmentaires, or, il y a peu, il prétendait que ces 13 000 places serviraient à remplacer les prisons les plus vétustes vouées à la destruction. »
Ils « oublient » que ce qu’ils appellent « incidents » ne sont pas le fait du surpeuplement mais celui de l’enfermement. Que les mouvements de la fin des années 70 étaient contre les QHS, lieux où le prisonnier était seul… Que l’émeute de Saint-Maur, en 1987, a eu lieu dans une « prison dorée »…

Mais, même si tout le monde a perdu la mémoire, le projet avance lui à grands pas. De 4 000 places initialement prévues, nous en sommes maintenant à 11 000. La MA du Pontet est quasi terminée, celle de Seysses idem, à Valence le site a été trouvé. Espérons pour l’instant que les Gaulois et les Mérovingiens qui bloquent les sites de Lille et de Meaux tiennent bon…

Bonsoir à vous tous »…

Une lettre pour vous raconter les dernières aventures du collectif de Nanterre.
Tout a commencé mercredi 14 à 6 heures du matin, ma cellule s’ouvre, une vingtaine de surveillants sont là accompagnés de plusieurs gradés et du chef de détention, la sous-directrice est tout près, on me demande de les suivre, je m’habille, direction le greffe, fouille, cellule d’attente, je comprends que je suis transféré. Pourquoi ? J’attends… Là me rejoignent trois compagnons de galère : Gégé, Franck et Kenny. On nous explique alors que nous sommes tous transférés dans des taules différentes, les escortes sont déjà là d’ailleurs. Motif : « suspicion de tentative d’évasion » !
Cela viendrait de la direction centrale alertée par le parquet via les services de police ! Nous protestons mais notre sort est déja réglé : Kenny ira à Fresnes, ayant pris vingt ans, le CNO l’attend, pour Gégé et Franck je ne sais pas, pour ma part c’est Osny où je suis arrivé vers 7 heures, là on m’a placé au quartier d’isolement.

J’ai refusé de signer la notification d’isolement. L’année dernière, j’étais déja à l’isolement à Fleury et en un an c’est le quatrième transfert. Un cadeau de l’AP pour l’anniversaire de mon incarcération ! Histoire de me rappeler qu’ils s’occupent bien de moi, on m’a dit « c’est le revers de la médaille » alors j’ai répondu : « Les médailles, c’est fait pour les bons élèves et moi j’ai jamais été dans les premiers ! »

J’espère que mes compagnons de galère vont bien. A vous trois je dis : « Courage et donnez de vos nouvelles. » […]

Le collectif de Nanterre a pris du plomb dans l’aile, j’espère qu’il continuera à exister !

LA VALSE DES TRANSFERTS

Si la science n’a trouvé que récemment le moyen de téléporter un photon, l’Administration pénitentiaire utilise depuis longtemps déjà la « téléportation » des prisonniers. Le protocole est souvent le même : réveil brutal en pleine nuit ou au petit matin par des gros bras, greffe, fouille, cellule d’attente puis fourgon et escorte…

Le transfert est un moyen supplémentaire pour l’AP d’isoler encore plus ceux et celles qui le sont tant déjà, pour faire taire la ou les voix qui s’élèvent de leurs tombeaux. On le voit aussi bien dans les événements de Valence (p. 2 : le refus d’une fouille à corps entraîne un mouvement collectif de solidarité, résultat : vingt transferts) que dans les lettres ci-dessous : le collectif de Nanterre est éclaté, le mouvement de solidarité d’un prisonnier concernant une mort suspecte lui vaut d’être déporté. Le transfert est à ajouter aux autres mesures d’isolement (mitard, QI, QD). Il est un outil de coercition pour faire taire les « gêneurs », éloigner les témoins éventuels de tabassages et, d’une manière générale, étouffer toute critique individuelle et surtout collective, tout mouvement de solidarité entre prisonniers, toute tentative de coordination.