"IL FAUT QU'ON SOIT RENTABLE,SI ON EST PAS RENTABLE POUR NOTRE PATRON, ON N'A PAS DE RAISONS D'EXISTER"

Nouvelles prisons ( 2ème partie)

Cette phrase d’un petit contremaître teigneux d’une entreprise de textile pourrait résumer à elle seule ce à quoi sont soumis (et vont être de plus en plus soumis) les prisonniers dans les (futures) prisons semi-privées dites de « gestion mixte ». En effet, dans l’ouverture de ce marché plus que juteux à de grosses entreprises, c’est bien de rentabilité et de profits qu’il s’agit. Ces notions inhérentes au capitalisme, dans leurs fonctions d’exploitation et de contrôle, s’insinuent dans tous les espaces de la vie, y compris dans les plus antinomiques comme la prison ou les hôpitaux psychiatriques. Ainsi le vieil adage « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir » pourrait être transformé en « tant qu’il y aura des prisons, il y aura de l’argent à se faire ».

Eh oui, la prison redevient le nouveau business du millénaire ; en effet, jusqu’en 1927, les centrales appartenaient déjà à de gros entrepreneurs privés, qui se sont bâtis des fortunes colossales. La révolution industrielle en France s’est d’abord faite dans les centrales qui ont expérimenté le capitalisme de main-d’œuvre et de machinerie.

L’exemple des pénitenciers privés aux États-Unis n’en est qu’un des tenants les plus grossiers. Ainsi, 17 firmes américaines se partagent 130 établissements (soit plus de 200 000 prisonniers), le tout éparpillé dans une vingtaine d’états. Il est à noter que depuis que 4 entreprises (Corrections Corporation of America, Correctional Service Corporation, Securicor et Wackenhut) se sont introduites en Bourse, l’industrie dite « carcérale » est devenue l’un des chouchous de Wall Street et ce marché est promis à un bel avenir.

Introduite par le garde des Sceaux, Albin Chalendon (qui n’a fait que renouer avec le fil de l’histoire et rompre avec l’état providence), en 1986, dans le cadre de 13 000 places supplémentaires de prison, la gestion mixte permettait d’ouvrir au secteur privé la prison, jusqu’alors chasse gardée du ministère de la Justice. Celles-ci étaient construites et financées par l’État, ce dernier gardant toutefois la possibilité de confier au secteur privé l’ensemble du fonctionnement, à l’exception des fonctions de direction, de surveillance, de gestion du personnel pénitencier et du greffe. En 1997, la garde des Sceaux élisabeth Guigou décide de la reconduction de la gestion mixte des 21 prisons du programme 13 000 et son extension aux 6 prisons du programme 4 000. C’est à partir du 1er janvier 2002 et pour une durée de huit ans que 3 sociétés, retenues par l’Administration pénitentiaire, vont prendre le relais pour assurer les fonctions d’intendance et d’« appui à la mise en œuvre de réinsertion ». Ce véritable partenariat entre le public et le privé se résume ainsi : l’État s’occupe de surveiller la population pénale, les entreprises, elles, s’occupent de la presser.

Mais qui sont ces entreprises qui se prétendent si humanistes qu’elles « contribuent à la mission de réinsertion de l’AP et qu’elles apportent un regard extérieur, permettant un rapprochement avec le monde du dehors » ? Les trois sociétés retenues ne sont pas les moindres.

La Siges, mandataire de la zone Nord-Est, est une filiale du groupe Sodexho-Alliance, groupe français qui travaille déjà avec les administrations pénitentiaires de Grande-Bretagne et d’Australie. Vingt pour cent de son chiffre d’affaires provient des ateliers de production en établissement.

L’Idex, mandataire de la zone Sud, est partenaire de la Sogeres, elle aussi filiale du groupe Sodexho-Alliance.
La Gepsa, mandataire des zones Ouest, Est et île-de-France centre, est une filiale du groupe Suez. Vingt-cinq pour cent de son chiffre d’affaires provient des ateliers de production en établissement.

Ces deux groupes (Sodexho-Alliance et Suez) sont bien évidemment côtés en Bourse.

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