POURQUOI UNE EMISSION DE RADIO SUR LA PRISON ?

Après plus d’un siècle d’échec, le pouvoir justifie encore l’existence des prisons par son rôle de rééducation. Plus personne n’y croit aujourd’hui, pourtant on écarte ouvertement et sans scrupule les prétendus déviants. Les prisons n’ont jamais été aussi pleines, les peines, si lourdes. On brandit le spectre de l’insécurité, les méchants pédophiles et les serial killer, pour que chacun accepte que les prisons soient remplies de petits voleurs et revendeurs, de ceux qui n’ont pas les moyens d’y échapper, de ceux qui refusent de se soumettre. Ici ou ailleurs, au nom des lois, l’Etat assassine et enferme.

Si la prison écarte les éléments décrétés nuisibles à l’ordre public, elle est d’abord construite pour enfermer ceux qui sont dehors et maintenir l’autorité en place. Elle plane comme une menace permanente sur nos têtes.
La prison est ce qui nous empêche chaque jour de vivre librement. La prison nous sépare de ce dont nous avons besoin, la prison nous envoie au salariat, dans les colonies pénitentiaires des patrons, la prison nous sépare par nationalités, par genres, par différences de pouvoir financier, la prison est là quand on voudrait se rebeller.
Il y a de multiples formes de punition, mais toutes renvoient en dernier lieu à la prison.
Nous pensons qu’il est urgent d’abolir la prison. Nous ne sommes pas pour infliger une autre forme de punition qui la remplacerait dans son rôle de maintien de l’ordre social. Nous rêvons un monde d’où disparaîtraient l’idée de punition et les valeurs morales imposées par un corps social dominant, un monde où règnerait la libre association entre individus.
Le contrôle social est omniprésent à l’extérieur, dans les rues et à l’école, en famille et au travail, dans la consommation et le Spectacle. Chaque aspect de notre existence nous rappelle à l’ordre et trouve son point culminant dans la prison. Toutes ces prisons maintiennent la dépendance et la soumission à des valeurs marchandes.

Les délits n’existeraient pas sans la violence d’Etat, le salariat, les inégalités sociales, la propriété privée, le patriarcat, la misère sexuelle et la marchandisation de chaque aspect de nos vies. Il est clair que l’abolition de la prison va de pair avec la destruction de ce monde-ci.

Nous refusons de différencier les détenus ou d’instaurer des degrés de faute.
Cette solidarité envers tous les prisonniers sans distinction morale ou politique est nécessaire pour déjouer les plans de ceux qui ont intérêt à ce que nous nous entre déchirions, qui se nourrissent de notre concurrence, de notre individualisme, et se délectent de nos dissociations.

Par notre émission nous voulons briser le silence et rendre visible le milieu carcéral, rompre l’isolement et servir de relais entre l’intérieur et l’extérieur. Allumer les brasiers de la contestation et faire apparaître des failles dans un système qui tente de nous persuader de son invincibilité.
Combattre la prison, c’est commencer par ne pas s’enfermer soi-même.

L’existence d’associations, de radios, de journaux, poursuivant le même but dans d’autres pays et dans d’autres villes, avec lesquelles se mettre en réseaux, a été décisive dans notre désir de nous lancer dans cette aventure.
La radio nous semble un bon support pour percer les murs des cellules. L’émission sera composée d’information sur les prisons suisses et étrangères, de lettres ou de prises de parole de prisonniers, ex-prisonniers ou proches, d’interviews, de réflexions, de lectures de textes, de messages et dédicaces.
Nous envisageons plusieurs thèmes comme fil conducteur : la vie carcérale au quotidien, l’isolement, les luttes intérieures, l’encadrement socio-médical, le travail, la sexualité, la psychiatrie, etc. Et bien sûr, chers auditeurs, tout ce que vous jugerez bon d’y voir figurer.