LES VISITEURS DU SQUARE

Le samedi 27 avril et toute la semaine qui a suivi, le square de la réunion (Paris XXe) a été occupé.
L’idée était de consacrer une semaine pour imaginer et réaliser des moyens d’intervention concrets pour résister au tout-sécuritaire.
Autour de deux grandes tentes, et sous de grandes banderoles (« Contre les lois sécuritaires » et « Solidarité avec le Collectif des détenus de Fleury-Mérogis ») accrochées aux arbres du square, des « apéro-grillades-concert-musette-acoustique » ont permis aux habitants du quartier de s’informer sur les intentions des occupants, de se joindre à eux pour se rencontrer et débattre, et plus tard continuer à discuter autour de repas sur le mode d’auberges espagnoles...

Ci-dessous de larges extraits d’un journal mural qui a vu le jour place de la Réunion lors d’assemblées générales après la semaine et qui a été collé un peu partout dans le quartier...

QUI SONT ILS?

L’idée de mener une campagne contre les lois sécuritaires a germé dans la tête de nombre de personnes qui ont vu dans ces lois des conséquences directes sur leur quotidien. Pénalisation des fraudes dans les transports (emprisonnement ferme au bout de dix amendes), interdiction de rassemblement dans les halls d’immeuble, vigiles qui peuvent pratiquer des fouilles aux abords des lieux publics, perquisitions à n’importe quelle heure…
L’occupation du square de la Réunion a réuni un ensemble de personnes hétéroclites. Dont beaucoup se sont déjà retrouvées sur d’autres luttes (lors du mouvement des chômeurs-précaires, de la lutte des sans-papiers, de la lutte contre l’enfermement et/ou lors d’actions comme des déblocages de RMI, des réquisitions de logements, des soutiens aux grévistes…).
Nous ne représentons aucun parti, aucune organisation syndicale ou autre. Nous nous sommes retrouvés dans ce square pour en faire un lieu ouvert aux débats, aux rencontres et aux initiatives que chacun aura pu amener.
Le choix de ce quartier ne s’est pas fait par hasard, encore vivant et populaire il est bien évidemment en train d’être détruit par les entrepreneurs et par la présence policière, qui, en application des lois sécuritaires empêche les, rassemblements et réduit à néant les lieux de rencontre.

QUE FONT ILS ?

Les espaces publics sont des lieux où règne comme partout ailleurs une réglementation qui contraint les possibilités de rencontre et de discussion. Les lois sécuritaires, votées à la suite du 11 septembre, n’ont fait qu’enfoncer le clou.
Pour commencer à nous organiser contre cet état des choses, il nous a semblé important de reprendre une petite partie de cet espace. Nous avons essayé d’y fonctionner d’une façon différente pour nous soustraire au quadrillage policé. Refusant les règles préétablies selon lesquelles « tout se monnaye » et « on a besoin de chefs », nous nous sommes organisés pour satisfaire nos envies et nos besoins sans passer par des rapports d’autorité ou d’argent : repas collectifs ou chacun apporte ce qu’il veut et met la main à la pâte, prise en charge collective de la vie quotidienne…

QUE DISENT ILS ?

Nous avons choisi de descendre dans la rue parce que c’est peut-être l’un des derniers endroits où l’on peut encore se rencontrer.
Pour nous, la politique ce n’est pas de déléguer son pouvoir de décision à des spécialistes de droite ou de gauche [...]. Au cours de cette semaine, différents débats ont eu lieu pour remettre en question l’idée et la réalité du tout-sécuritaire :
– la construction de nouvelles prisons, l’allongement des peines, la politique d’isolement et plus généralement toutes les formes d’enfermement aussi bien à l’intérieur des taules qu’à l’extérieur ;
– la jeunesse dite « délinquante » et les lois sécuritaires censées la contrôler au quotidien, notamment dans le cadre des contrats locaux de sécurité (avec l’exemple des Mureaux, ville pilote) ;
– la généralisation de la précarité au niveau de l’emploi, du logement… et cependant le désir et la possibilité d’organiser des luttes efficaces comme celle de McDo.
La manif du 1er mai a été suivie d’une assemblée générale ;
– le contrôle sur la libre circulation des gens, à travers entre autres les accords de Schengen, et conduisant à la criminalisation des immigrants ; – la valorisation du citoyen-flic et du libre-échange mondial.
Ces débats ont été accompagnés de projections sur les différents thèmes.
Enfin, le débat sur la manipulation et le fichage génétique n’a pas pu avoir lieu étant donné que le tout-sécuritaire s’est rappelé à notre bon souvenir sous la forme très concrète d’une intervention musclée de la BAC, qui a embarqué quatre de nos camarades qui défendaient un jeune du quartier.

QUE VEULENT ILS

Nous n’avons pas réussi pendant cette première semaine d’occupation et de réflexion à donner des suites concrètes aux débats, nous n’étions pas encore assez nombreux, pas assez bien organisés et certainement un peu rouillés, comme l’ont démontré nos problèmes face à un simple contrôle de police. De plus, le climat électoral de torpeur général a mobilisé une très large palette de gens autour d’un épouvantail. Il a été bien difficile de proposer une alternative au non-choix Chirac-Le Pen. Pourtant, la création immédiate d’un ministère de la Sécurité et des notions aussi floues que « libertés locales » ou « développement durable » (?) ne font que contribuer à l’accentuation du tout-sécuritaire.
Pour nous il s’agit bien de continuer à intensifier l’action et la réflexion contre toutes les formes d’isolement. Contrairement au discours des médias, il y a un peu partout d’autres personnes et d’autres formes de résistance. Il est nécessaire de se coordonner avec ceux que l’isolement rend impuissants dans la pratique et dans le temps ainsi qu’avec tous ceux qui comme nous ont les moyens de se rendre visibles et d’être actifs.

Pour se donner les moyens de propager ces réflexions et ces pratiques il faut faire reculer la peur : celle de la loi posée comme évidence, celle du flic comme tout-puissant et celle du patron comme détenteur de nos conditions de subsistance. Il est donc urgent et impératif de continuer à s’organiser.

De nouvelles journées de débats ont eu lieu place de la Réunion le 19 mai, le 2 et le 23 juin. Des assemblées se poursuivent sur le thème du tout-sécuritaire place de la Réunion (prochain rendez-vous le dimanche 30 juin à midi) mais aussi dans le quartier de la Goutte-d’Or (square Léon à Paris XVIIIe); où des habitants cherchent à s’organiser pour faire face au harcèlement policier qu’ils subissent quotidiennement (voir encadré).
à suivre…