LE 21 AVRIL 2002

Madame, monsieur,

Je vous écris car il se trouve qu’il est impossible de dialoguer avec les gradés et quand bien même c’est possible, ils nous répondent toujours que c’est « comme ça » ! Ce qui signifie donc qu’ils n’ont pas le pouvoir de décision comme nous le savons. Eh oui, nous protestons à nouveau par rapport à la durée des promenades du week-end pendant la « belle saison » (printemps-été disons).

En effet nous ne comprenons absolument pas pourquoi vous ne nous laisseriez pas tout l’après-midi dans la cour, (puisqu’il y a deux cours, il y aurait de la place pour tout le monde), à moins que cela ne vous coûte de l’argent ? Ou bien du temps ? Ou encore du personnel supplémentaire ?
N’auriez-vous pas plutôt tout à y gagner ?
Pendant que nous sommes dans la cour, nous sommes bien et vous êtes tranquilles, n’est-ce pas ?
Refuseriez-vous cette paix tant désirée ? Vraiment, nous souhaiterions que vous nous expliquiez ! Cela nous éviterait sûrement ce genre d’action… (ce refus de remonter de promenade à 6 détenues, ce dimanche).

Au fond, qu’y a-t-il de plus normal que d’avoir besoin de profiter du soleil et du beau temps, de ne pas vouloir moisir chacune dans sa cellule, de vouloir s’aérer pour ne pas trop « sentir le renfermé » ? Sans parler du besoin de passer du temps ensemble évidemment ?
Comment pouvez-vous prétendre nous réinsérer dans votre société en nous isolant le plus possible, en limitant à ce point nos relations sociales, avec l’extérieur comme à l’intérieur ?
N’est-ce pas en apprenant à vivre ensemble que nous aurons le plus de chances de nous en sortir une fois dehors, où nous devrons pourtant (ré)apprendre à vivre ensemble ?

Ah oui, c’est vrai, vous allez nous sortir le bon vieux – et très précieux – prétexte du soupçon de « trafics en tous genres » si nous sortons tous au même moment…
Comme si cela pouvait changer quelque chose…
Laissez-nous vous éclairer sur ce point : ça ne changera absolument rien, ni plus ni moins !

Parce que si nous le souhaitons, nous trouverons toujours un moyen pour nous retrouver, vite fait, bien fait, pour un quelconque « échange » ou trafic…
Tandis que si nous vous demandons, disons, une après-midi entière (le dimanche par exemple) pour passer du temps ensemble, c’est forcément avec d’autres objectifs qu’un petit trafic quelconque !

Pour échanger tout simplement, c’est-à-dire communiquer, discuter, rigoler ensemble, nous n’allons pas le nier ! Alors dites-nous où est le mal ? Quelle loi peut bien nous l’interdire ? Quel règlement ?
D’ailleurs nous ne comprenons pas pourquoi la durée des promenades s’allonge au fur et à mesure que les journées rallongent dans plusieurs prisons, et pourquoi c’est différent, ici, à Fresnes ?

La punition ne devrait-elle pas être la même partout et pour tous ?