EDITORIAL

C’est reparti pour un tour. Revoilà la droite… en grandes pompes. Et toute la gôche de commencer à se souvenir de ses discours d’antan sur les problèmes sociaux : ils regrettent de s’être éloignés des problèmes économiques des plus modestes, ils essaient de gommer leurs déclarations toutes fraiches au sujet du tout sécuritaire, etc… Ils ne peuvent pas faire oublier que lorsqu’on est défenseur du système capitaliste, on a beau s’être paré d’un masque de réformateur, on travaille dans le même sens que ceux qui ne s’embarrassent pas de discours sociaux. C’est à nous de ne pas tomber dans le piège pourtant évident de la gentille gauche contre la méchante droite : ils œuvrent, et depuis longtemps, pour les mêmes valeurs, celle d’une économie qui se moque pas mal du sort de l’être humain et pour qui l’unique objectif est que les rapports marchands pénètrent toutes les parcelles du vivant.

La différence réside peut-être dans le fait que le nouveau gouvernement, comme à l’accoutumée, n’a pas peur de montrer son visage au grand jour : contrairement aux propos mièvres des socialistes et de la gôche plurielle, ils n’ont jamais ressenti le besoin de poser de la moquette pour étouffer le bruit des bottes et sont friands de la surenchère. Et du coup, on redécouvre les opérations coup de poing, comme du temps de Pasqua : descente de flics un peu partout, dans les cités comme à Meaux ou à Dammarie les Lys, provocations à tout va, tout ce qui porte uniforme a la tête bien haute et l’arrogance du roquet à qui l’on a concédé les armes du bouledogue ; pour une simple intervention, ils revêtent leur gilet pare-balles, s’équipent de flash-ball, apostrophent en tout pouvoir, éructent leurs propos racistes. En haut de l’échelle, les pleins pouvoirs sont donnés à un ministre qui coordonne désormais toutes les forces de police (gendarmes, flics, douanes).
Bien entendu, cela a de quoi faire frémir, mais on ne peut pas ne pas y voir la simple continuité de la politique de contrôle européen de l’espace Schengen qui mettait en place un véritable système de surveillance répressive très serré des populations. On ne peut pas non plus ne pas y voir les simples applications des propos de Julien Dray, responsable de la sécurité pour le candidat Jospin qui prétendait que la délinquance n’avait aucune cause sociale et que le préventif avait suffisamment fait ses preuves… d’inefficacité et qu’il était grand temps de renouer avec la répression : la gauche l’a proposé, la droite le fait. C’est à nous maintenant de ne pas répéter une pièce que nous connaissons déjà, de refuser la moindre dérive politicarde, qu’elle se cache derrière des syndicats qui se frottent déjà les mains à l’idée de supplanter leur grand frère, ou d’associations qui constituent le nouveau souffle fétide d’une gauche qui n’a plus rien à prouver en termes de trahison.

Dans la dentelle, le gouvernement Raf Raf Rin a aussi innové en inventant un nouveau poste, celui de secrétaire d’Etat à l’immobilier carcéral : encore une fois, la seule différence avec leurs prédécesseurs est qu’ils se vantent haut et fort de ce que les autres faisaient en silence, car les socialistes aussi avaient un énarque responsable des constructions des nouvelles prisons. Le projet lui-même était le fruit du sinistre duo Guigou-Viallet remplacé désormais par Perben-Bédier. Et on a toujours autant de raisons de s’inquiéter fortement : ils vont finir d’abroger la loi sur la présomption d’innocence, ils vont continuer d’appliquer la politique du tout sécuritaire dont la prison est la dernière étape, ils vont construire de nouvelles places, au moins 8000, pour enfermer de plus en plus afin de règler à leur manière les problèmes sociaux et prévenir tout mouvement qui pourrait mettre leur tranquillité de nantis en péril. Ils vont élever des forteresses tombeaux, des prisons pour les plus « dangereux », des QHS modernes, pour tenir emmurés les plus longues peines et tous ceux qui refusent de plier devant le pouvoir.

La question la plus d’actualité pour l’été à venir dans les prisons est celle des grâces ou plutôt de leur abscence : les hommes politiques n’en ont plus besoin, ils sont en train de s’adjuger non-lieu sur non-lieu. Pour faire passer les mensonges concernant les réductions d’impôts ou l’augmentation du SMIC, il faut, comme d’habitude, fabriquer des boucs émissaires et diriger la vindicte populaire contre eux : que la prison représente bien ce lieu de punition, de souffrance pour les taulards qui ont refusé les règles d’un jeu qui profite toujours aux mêmes. Pour les hors-la-loi, il n’y a pas de sursis.
Les matons, contrairement à leur collègues flics ou gendarmes, n’ont obtenu que de maigres satisfactions concernant leurs revendications corporatistes et de l’aveu de certains d’entre eux, ils sont prêts à provoquer des mouvements désordonnés, inorganisés pour pouvoir mimer une répression musclée qui les mettraient au devant de la scène médiatique à leur tour. Les prisons sont pleines à craquer, les matons se sentent forts du courant répressif à la mode et avancent à visages découverts, débridés. C’est pourquoi, bien loin de prôner la soumission, il nous semble plus qu’indispensable que tout mouvement de prisonniers prenne le soin de se faire connaitre, de se coordonner avec d’autres, d’organiser la défense contre la répression qui profite du moindre faux pas, et ne reste pas dans un silence qui pourrait signifier le pire. Nous serons là pour aider dans ce sens, faire tout ce que nous pouvons pour créer des liens entre ceux qu’on cherche à isoler toujours plus, montrer que les prisonniers en lutte ne sont pas seuls et que la lutte anticarcérale loin de concerner seulement les prisonniers et leurs proches est une question fondamentale, au carrefour de tout ce qui constitue l’idéologie du tout-sécuritaire que ce soit dans ses composantes économiques, sociales ou politiques.