L'ALGERIE, UNE VASTE PRISON (4ème partie)

Mardi 23 avril 2002 :
(les journaux algériens sont souvent imprécis et contradictoires. Les dates peuvent ainsi varier selon les sources…) : grève de la faim de 88 émeutiers et de 6 délégués des aarch emprisonnés à la prison de Bejaïa (Kabylie) pour exiger leur « libération pure et simple et sans aucun procès ».

Samedi 27 avril :
pour les mêmes raisons, 28 émeutiers et délégués emprisonnés à Tizi-Ouzou et une dizaine à Bouira (Kabylie) se mettent à leur tour en grève de la faim, illimitée pour certains, quelques jours en solidarité pour d’autres.


Mardi 30 avril :
incendie à la prison de Serkadji (centre d’Alger) suite, selon la version officielle, à la tentative de suicide d’un détenu, qui aurait brisé un néon pour se taillader les veines (on venait de lui refuser la permission d’aller à l’enterrement de son père), dans une cellule dortoir de 25 personnes. Il y aura 23 morts et 2 blessés, tous de droit commun et âgés de 19 à 30 ans. (En fait il semble que, suite à cette tentative de suicide, une bagarre ait éclaté entre détenus et gardiens et que des prisonniers aient mis le feu à des matelas en mousse ; comme d’habitude, les matons ont énormément tardé à ouvrir les portes et les pompiers, pour une fois arrivés assez vite, ont dû patienter un quart d’heure devant la porte de la prison avant qu’on ne la leur ouvre, parce que les matons « étaient en train de regarder le match du soir… ») Une mutinerie éclate aussitôt. La prison est en effervescence toute la nuit et au matin, alors que les familles et proches des détenus encerclent le bâtiment, une centaine de détenus réussissent à monter sur les toits. « On les a laissés mourir » est encore une fois le cri qui revient le plus souvent. La tension est énorme. Certains mutins se mutilent publiquement, d’autres tentent de se jeter dans le vide, rattrapés de justesse par leurs camarades. Tous hurlent contre leur malvie et contre la hogra. Les flics commencent à paniquer : ils doivent battre en retraite sous une pluie d’insultes et de cailloux lancés par les mutins. Retraite coupée par la foule, qui les attaque à son tour, les prenant en tenaille. La situation devient explosive. La rue promet vengeance aux détenus. Des jeunes forcent le périmètre de sécurité et escaladent le mur d’enceinte… Puis des renforts de police arrivent et la situation se calme mais une multitude de jeunes continuent à assiéger la citadelle, « prêts à donner l’assaut à cette geôle infâme ». Et les familles bouleversées hurlent leur douleur et leur rage : « Les vrais voleurs pillent tout un peuple et vivent comme des princes. » « Ce sont les enfants du peuple qui sont là. Quant aux généraux, ils n’ont qu’un coup de fil à donner pour faire sortir leur progéniture du pétrin. » « Les prisonniers ont raison de se rebeller. Ils vivent comme des rats. » Tandis que d’anciens détenus dénoncent le diktat des matons de Serkadji : « Ici, Dieu, c’est moi. »
Ouyahia, le ministre de la Justice, qui suite à l’incendie à la prison de Chelghoum Laïd, avait interdit le tabac et les allumettes dans les prisons, promet encore une fois une enquête et… la construction de nouvelles prisons.


Samedi 4 mai :
incendie à la prison « quatre hectares » d’El-Harrach (Alger) dans une cellule dortoir, suite, selon la version officielle, à une rixe entre deux mineurs détenus, dont l’un aurait mis le feu à sa paillasse de crin (Ouyahia promet que celles-ci seront désormais remplacées, ainsi que les matelas en mousse…). Il y a une vingtaine de blessés, certains grièvement. Familles et proches se rassemblent autour de la prison, hurlant leur colère et leur inquiétude, et insultant la houkouma (l’État) : « Il ne faut pas les croire. Ils ne disent jamais la vérité. »


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