Plan 4 000 ( 2ème partie)
(sécurité super star)

Ces architectes zélés n’en sont bien évidemment pas à leur coup d’essai.
Guy Autran, secrétaire général de l’Académie d’architecture est le spécialiste du domaine carcéral. Outre la construction de l’université de Cergy-Pontoise, on peut citer à son palmarès la MA d’épinal en 1986, deux projets qui seront adaptés à sept sites dans le cadre des 13 000 et le CP de Rémire-Montjoly en Guyanne en 1997. Cette constance dans le travail lui valut d’être médaillé de l’Ordre national du mérite par le ministère de la Justice.
Autran est chargé de la construction de trois nouvelles prisons. Une MA à Séquedin, près de Lille, de 645 places (un quartier pour femme de 150 places, un CJD de 50 places et une cuisine centrale pour tous les établissements de Lille), un CP au Pontet dans le Vaucluse (une MA de 385 places, dont 25 places pour femmes, et un CD de 210 places pour hommes) et une MA à Seysses en Haute-Garonne de 650 places (520 pour les hommes, 40 pour les femmes, 50 pour mineurs). Ces deux dernières étant en cours d’achèvement. Le cabinet Autran est affilié à une entreprise pour réaliser le projet, il s’agit d’Eiffage Construction, troisième groupe français de BTP, qui a amassé un chiffre d’affaires de 22,5 milliards de francs en 2000 et dont le siège social se trouve 143, avenue de Verdun à Issy-Les-Moulineaux (tél. : 01 41 08 69 10).
Autran considère son travail comme une « mission quasi humanitaire », d’autant plus que, selon lui, la « présence accrue de la lumière naturelle par de grandes baies vitrées à l’angle de chaque bâtiment et dans les coursives » permet de limiter « l’effet anxiogène dû à l’enfermement », ces « échappées visuelles » n’ont évidemment pas d’autre but que celui d’accroître la surveillance. L’idéal d’Autran semble donc compris, il parlait de « faire accepter aux détenus sa peine sans révolte », « qu’ils intègrent volontairement les barreaux »…

Architecture Studio est un groupement de sept architectes (Martin Robain, Rodo Tisnado, Jean-François Bonne, Alain Bretagnolle, René-Henri Arnaud, Laurent Fisher et Marc Lehman). Ils fonctionnent habituellement avec un maître d’ouvrage, des programmistes, des ingénieurs, des entreprises, des industriels et des artisans. Pour l’occase, ils sont associés avec l’entreprise Quille Dalla Vera (filiale du groupe Bouygues). Les principales réalisations de ce groupe sont la résidence universitaire Croisset, porte de Clignancourt, le palais de justice de Caen, l’église Notre-Dame-de-l’Arche-d’Alliance à Paris et le Parlement européen de Strasbourg. La construction de prisons apparaît comme une suite logique dans leur travail.
Ils ne se sont pas lancés dans cette « belle aventure » à l’aveuglette. Au mois d’août 2000, ils sont allés s’encanailler pendant une semaine dans une MA de la région parisienne – côté surveillant . Cela leur a permis de comprendre que le « lieu n’est pas indifférent » : devant tant de lucidité on reste coi.
La seule différence notable avec le projet Autran semble être d’ordre esthétique : « Architecture Studio a préféré une conception paysagère et une image globale très unitaire vue de l’extérieur pour favoriser l’insertion dans le site. Les architectes ont conçu le jeu ondulant des toitures – la « cinquième façade » – couvrant l’ensemble des bâtiments comme facteur d’intégration paysagère, notamment pour le site de La Farlède. Depuis les collines alentour, dont ils soulignent la beauté, la vue plongera en effet vers l’établissement, la présence de l’enceinte devant être quelque peu dissimulée par des « écrans végétaux ». Le but de ces courbes successives de la toiture étant bien évidemment de faciliter la surveillance. Autre initiative, ils vont mettre des espaces verts partout dont l’entretien sera assuré par… les prisonniers…
Dans le cadre des 4 000 nouvelles places, ils ont été chargés de la construction d’un CP à La Farlède, près de Toulon, de 650 places, un CD pour hommes, une MA pour hommes et un quartier pour mineurs, un CP à Liancourt dans l’Oise de 600 places (un CD et une MA pour hommes, un quartier pour mineurs) et d’une MA à Chauconin Neufmontier en Seine-et-Marne de 650 places (deux quartiers hommes un pour mineurs).


La dernière construction d’Autran fut aussi la dernière destruction de taule. La prison de Rémire-Montjoly construite en 1997, a été en partie détruite par les prisonniers lors d’une émeute le 3 juillet 1999.

MEROVINGIENS ET GAULOIS…
MEME COMBAT…
CONTRE LES PRISONS…

Même les Mérovingiens s’y mettent. Le site choisi pour la construction de la MA de Chauconin-Neufmontier, qui semblait idéal entre le lycée et la déchetterie, abritait des vestiges archéologiques. Les travaux sont interrompus pour une durée indéterminée…

« C’est une bonne nouvelle, le personnel attend avec impatience et parfois avec nostalgie... » C’est ainsi que Gilles Nourtier, directeur de la maison d’arrêt de Dunkerque, commente l’annonce de la construction du centre pénitentiaire de 200 places prévue sur les communes de Coudekerque-Village ou de Capelle-la-Grande, prévue pour 2007. Cette construction sera peut-être elle aussi retardée comme ce fut le cas pour Sequedin, prévue initialement pour fin 2002.
En effet, l’État s’est heurté à l’hostilité des riverains mais également aux maires des trois communes sur lesquelles le projet était prévu : Sequedin, Hallennes-les-Haubourdins et Englos. Les litiges portaient d’une part sur le prix de rachat des terrains au mètre carré, jugés insatisfaisant par les parties civiles et d’autre part sur la non-viabilité du projet, la demande de permis de construire ayant été envoyée par une personne nommée par intérim au ministère de la Justice. Enfin, ce même site convoité par l’État recèlerait des vestiges gaulois.