Avec
lexplosion toulousaine dAZF, catastrophe industrielle majeure,
sinistre 21 septembre 2001, le débat de fond dintérêt
général quune partie de la population tente de soulever
depuis de nombreuses années est passé aux devants de la
scène médiatique. Anticipant la réaction de lopinion
publique, le gouvernement Jospin organise une pseudo-consultation populaire,
vingt-sept débats régionaux dont lavant-dernier à
Toulouse le 30 novembre. En fin de compte, cest des mesures de prévention
des risques industriels aux niveaux organisationnel, réglementaire
et législatif (Seveso III ou Toulouse I) qui seront mises en place.
Il sagit pour le gouvernement de faire accepter à la société
française la dure réalité des catastrophes majeures
seulement en termes de risques et de sécurité industrielle.
Cest une culture du risque propagée par un futur ministère
de la Peur qui est proposée aux Français. La finalité
de la production et le coût de la vie ne sont toujours pas pris
en compte. Quant au sort des Toulousains, intimement lié au sort
de lOnia, cet eldorado chimique au cur de la ville, il reposerait
en définitive sur une décision arbitraire prise en haut
lieu dans la capitale, à Matignon après ce 11 décembre
2001.
Les dés sont-ils déjà jetés
?
Devant labandon des sinistrés livrés aux spéculateurs
et au froid, devant les risques potentiels de nouvelle catastrophe, il
paraît déplacé daccepter un quelconque dialogue
qui ne prendrait pas en compte lensemble du processus de vie, qui
ne mettrait pas en préalable la sécurité de la population
dans sa totalité, ici et ailleurs. Il serait indécent, impensable
de palabrer avec un gouvernement qui veut nous imposer sa décision
dictée par de sombres enjeux politico-économiques.
En préambule à toute consultation et en gage dapaisement,
cest la fermeture définitive du site, sa décontamination
et sa reconversion ainsi que celle des salariés qui simposent
comme symbole de changement fondamental.
Car cest bien dun débat de fond dont il sagit,
un vieux débat de société sur lavenir de ce
monde.
Un débat qui a déjà commencé, au fil des luttes
sociales démancipation, sous diverses formes, au travers
de diverses organisations humaines horizontales, forces de proposition
comme le mouvement antinucléaire qui revendique depuis trop longtemps
une orientation démocratique de la politique énergétique
nationale, ou comme le refus des OGM qui porte la volonté dune
autre agriculture en accord avec le vivant
Nous sommes de plus en
plus nombreux à vouloir prendre le temps de réfléchir
pour infléchir rapidement sur lévolution désastreuse
de ce monde industriel à visée marchande.
Nous savons pertinemment que ce débat ne peut se faire à
la va-vite, entre deux échéances électorales combles
de promesses (comme la sécurité), en excluant la population,
principale concernée.
Nous avons le temps, le temps des années déjà écoulées
à crier sans se faire entendre et le temps des années à
venir qui vont transformer lensemble de la marche industrielle,
qui vont chambouler les règles de ce monde barbare et définir
enfin la notion de progrès. Nous avons le temps pour débattre,
mais la survie de la planète et de lhumanité est une
urgence.
Il sagit aujourdhui de balayer définitivement le mythe
dune science sacralisée et salvatrice qui découpe
la vie en grands principes, en lois et maintenant en brevets. Il sagit
de penser la science comme un outil et non comme une fin en soi ou une
religion et de revoir à léchelle humaine les applications
technologiques sources de bien-être. Il sagit de ne pas laisser
sachever le désastre de la société nécro-industrielle
source de profits pour certains actionnaires et de malheurs planifiés
pour le reste du monde.
Nous navons pas choisi de fabriquer et de consommer cette merde
et personne ne doit culpabiliser sur les contradictions imposées
par le système. Mais cette industrie guerrière na
que trop duré. La société française ne veut
plus vivre au profit des tonnes darmes et de polluants quelle
produit et exporte. Nous ne voulons plus survivre, entre deux catastrophes,
sur les subsides dune industrie mortifère. Nous ne voulons
plus survivre avec le risque industriel permanent qui impose inéluctablement
le sacrifice dune partie de la population. En premier lieu les risques
nucléaire et chimique.
Pour beaucoup de gens, lexplosion dAZF est une catastrophe
industrielle, une de plus après Bhopal, Tchernobyl, lErika
une avant la nouvelle. Mais pour nous, victimes traumatisées, cette
explosion est aujourdhui largument de trop même sil
crée ce lien avec les autres, sinistrés ou bombardés,
victimes des guerres, victimes de la guerre économique, victimes
et résistants.
Que ce malheur aiguise notre conscience et forge notre force de conviction.
Oui, nous sommes prêts au débat. Oui, nous nen sommes
encore quau stade du questionnement et à la recherche de
solutions et nous bâtissons solidement notre argumentation. Mais
nous voulons débattre de tout. De lavenir de lensemble
du processus qui génère les technologies meurtrières.
Nous voulons débattre de lensemble des problèmes,
des besoins, de la consommation, de la croissance, et de la production
nécessaire et utile à tous. Il nest pas trop tard.
Souhaitons que lexplosion de Toulouse serve de détonateur
à une transformation sociale en profondeur et ne reste pas un malheureux
pétard mortel mais mouillé ?
Nattendons pas sagement la prochaine explosion, imposons la fermeture
définitive des usines de mort.
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