Cet article est composé
dextraits tirés du texte Control Unit Prisons, de Frank J.
Atwood, prisonnier anarchiste américain détenu dans les
couloirs de la mort depuis plus de 17 ans et qui se trouve actuellement
à la prison de sécurité maximale (PSM) dArizona,
composée de 24 000 prisonniers et de 2 000 prisonnières
(la plupart dentre elles y sont incarcérées pour des
périodes de 10 à 30 jours en tant que punition disciplinaire).
La caractéristique principale des PSM demeure lisolement
systématique de tout détenu. Ces prisons incarnent la volonté
absolue de lÉtat américain de redonner force et but
au système pénitentiaire et de détruire toute idée
de nuisance, dopposition et de résistance dans lesprit
des prisonniers. Car sil y a un outil par lequel ladministration
peut contrôler lagitation dans les prisons à la base,
cest par la séparation physique des prisonniers, en les empêchant
de sunir, de sorganiser et même de communiquer. Empêcher
lagitation au sein même de la taule et laver le cerveau de
celles et ceux qui saventurent sur le dangereux terrain de la résistance
ou de la rébellion, tel est le concept de base sur lequel les États-Unis
ont érigé les PSM.
Membres de gangs de prison et détenus suscitant des problèmes
disciplinaires y sont incarcérés ainsi que les « fauteurs
de troubles » ; tous ceux qui essaient de sorganiser et détablir
une liste de revendications, de réagir face aux divers abus de
la part des matons, de prendre la défense dautres prisonniers
ou de faire de lassistance juridique ; pour des raisons liées
à lévasion, les condamnés à mort y sont
aussi transférés. Selon les différents établissements
se trouvent également enfermés des membres du Black Panthers
Party, de la Black Liberation Army, des militants islamiques, des indépendantistes
portoricains, des victimes dopérations de la CIA, des anarchistes
et autres insurrectionnels ou encore des membres du Mouvement des Indiens
dAmérique. En résumé, les PSM renferment tous
ceux qui ne se sont pas attiré la sympathie de la sacro-sainte
Administration pénitentiaire.
Les prisonniers atteints de maladies mentales qui sont souvent liées
à la « vie » en prison ou à lisolement
carcéral font aussi partie du menu des voraces PSM et représentent
environ 10 % de leur population.
« Les
prisons de sécurité maximale [
] ont été
conçues par le gouvernement et les autorités pénitentiaires
pour contrôler lesprit des prisonniers, pour déterminer
ce à quoi ils penseront à travers des tactiques de privation
sensorielle soigneusement élaborées, focalisant lattention
des détenus sur des soucis immédiats. Ces stratégies
les rendent mentalement infirmes, en créant une rupture psychologique
et physique dans le but dimposer leur docilité, assommés
par lhumiliation, lintimidation et la démoralisation.
»
« En plus de faire croire au public que les PSM sont nécessaires
pour gérer les pires des pires, les autorités
pénitentiaires restent maîtres dans la manipulation des conditions
appliquées au sein de la prison un environnement qui produit
un contrôle absolu sur la vie des prisonniers : tâches internes,
fichiers, traitement médical, régime alimentaire, courrier,
promenade, ainsi que bien dautres activités. Au cur
de cette atmosphère, les matons réduisent les détenus
à un état dinfériorité établi.
Sans la moindre hésitation, il est clair que le but ultime des
PSM demeure dabattre lesprit humain. »
« La première prison de sécurité maximale ouvrit
ses portes à Marion, dans lIllinois, en 1972. Marion était
un projet expérimental destiné à développer
un programme pour détruire mentalement les prisonniers [
].
La moyenne denfermement en cellule y était de 22 heures 30
minutes par jour. Après louverture de Marion, dautres
États à travers lAmérique construisirent des
prisons de sécurité maximale et, au début des années
80, les PSM spécialisées dans la privation sensorielle commencèrent
à prospérer. Vers 1996, on comptait 40 PSM renfermant autour
de 15 000 détenus. Même le système pénitentiaire
fédéral refit son entrée dans larène
lorsquil ouvrit une nouvelle PSM (Administrative Maximum ADX) à
Florence, dans le Colorado, en novembre 1994. Les prisonniers à
lADX bénéficient de 9 heures de récréation
extérieure par semaine et passent 3 heures, trois fois par semaine
avec un autre détenu. Par ailleurs lADX comporte quatre étapes
:
1 détention dans des cellules disolement ;
2 sortie de cellule pour se mêler à quelques autres
prisonniers ;
3 déplacement de la cellule à la « cour »
de promenade non menotté ;
4 un boulot et une meilleure alimentation.
Les conditions de la PSM dArizona sont bien pires. Il ny aura
jamais de va-et-vient avec dautres prisonniers, de déplacement
sans être menotté, de meilleure bouffe et encore moins du
boulot. La promenade a lieu trois fois par semaine mais seulement pendant
une heure et seul. Pour les prisonniers de lArizonas Special
Management Unit (SMU), cela revient à être enfermé
165 heures sur 168 par semaine, soit 98 % du temps. »
« Les prisons de sécurité maximale sont une tentative
de lavage de cerveau et sefforcent daffaiblir les détenus
par lusage systématique de programmes tels que lisolement,
les abus physiques, la torture psychologique, la négligence médicale
et dautres formes sinistres de modification du comportement. Dans
les annales des PSM, nous avons appris que de nombreuses méthodes
actuelles ont été développées à partir
de techniques elles-mêmes élaborées pendant la guerre
de Corée. Nous y avons trouvé des comptes rendus confirmant
que les méthodes de torture psychologique et de lavage de cerveau
(employées aussi bien par la CIA que par le KGB) ont été
adoptées pour être appliquées dans les PSM dAmérique.
»
« [
] Un détenu commet un acte et tous les autres sont
punis. Des règles les concernant tous peuvent également
être modifiées. Leur rupture avec les sources extérieures
sopère par le contrôle du courrier [
], par la
mise sur écoute et lenregistrement des 5 minutes de télécommunication
hebdomadaires, par la séparation physique des détenus et
de leurs visiteurs grâce à une vitre en Plexiglas [
]
et par la menace et laccablement de ces derniers de façon
routinière. Enfin, lisolement des autres prisonniers se traduit
par lenfermement en cellule 23 heures 30 minutes sur 24 en moyenne,
par linterdiction de toucher ou dêtre touché
par une autre personne (à moins dêtre passé
à tabac par les matons), par labsence daccès
aux services (éducation, religion, vocation) et par le désuvrement
forcé. »
« Un éclairage vif demeure allumé 17 heures 30 minutes
par jour, ce qui produit un environnement clair (typiquement, les cellules
nont pas de fenêtre, ce qui laisse une chance infime aux prisonniers
dentrevoir la lumière du soleil, et ce dautant plus
que les promenades ont lieu dans une " autre cellule " entièrement
close située à proximité de la leur, la seule lumière
émise provient de néons contrôlés). Nourriture
fade, absence de desserts sucrés, petites portions et déjeuners
emballés toute la semaine constituent une alimentation monotone.
Les prisonniers sont systématiquement menottés dans le dos
et escortés par un gardien à chaque sortie de cellule. Enfin,
la pièce maîtresse des PSM en matière de privation
sensorielle reste la mise en place dun environnement stérile
: murs laissés blancs, absence de vie végétale ou
animale, privation dair frais, de soleil, de ciel, de fenêtre
ou dune quelconque occupation. »
Au sujet des techniques employées afin d affaiblir les capacités
aussi bien mentales que physiques à résister en provoquant
fatigue et affaiblissement » :
« Au-delà des méthodes basées sur une alimentation
pauvre, la semi-inanition est provoquée à partir de restrictions
sévères sur les commissions dachat (seuls la restauration
rapide et les desserts sont disponibles, pas de nourriture saine proposée),
de limpossibilité dobtenir une nutrition adéquate
avec les repas servis par la prison et dune vie extrêmement
sédentaire. La défaillance quant à la provision de
vêtements chauds lors des exercices extérieurs en hiver ainsi
que lorsquil gèle à lintérieur, le refus
de traiter les maladies ou de fournir le traitement prescrit, ainsi que
dautres négligences médicales, sont tous des facteurs
de fatigue physique et mentale. Les matons sont la cause majeure de privation
de sommeil en raison du bruit volontaire et excessif quils produisent
toute la nuit (montant et descendant dun pas lourd, ouvrant et fermant
au hasard les sas dentrée-sortie, hurlant, riant aux éclats
et faisant beugler les talkies-walkies) et lorsquils réveillent
arbitrairement les prisonniers au beau milieu de la nuit sous des motifs
tels que des problèmes avec le courrier sortant, ou pour manque
dexhibition physique (complètement sous les couvertures)
ou encore pour excès (dormant nu), et ainsi de suite. La contrainte
prolongée implique, au fil des années, dêtre
escorté partout, pris à partie ou attaché, ou encore
dêtre placé au mitard. »
« Trop souvent, les prisonniers sont gazés, changés
de cellule par la force, battus pour se retrouver ensuite attachés
pendant des heures, même des jours. [
] On est bien entendu
soumis également aux fouilles à nu et aux fouilles de cellule,
aux analyses durine et à dautres formes de harcèlement.
Le recours à ces méthodes contre des prisonniers préservant
encore un lambeau de personnalité constitue une force de persuasion
efficace pour obliger les autres à rester tranquilles. Par ailleurs,
pour ouvertement démontrer son pouvoir de recourir à un
tel harcèlement si nécessaire, dans le but de sassurer
la soumission des détenus, le personnel diffuse des messages
de bourrage de crâne. Cette utilisation arbitraire du pouvoir est
une arme clef. »
À propos de lindulgence occasionnelle de ladministration
envers certains prisonniers afin de motiver leur subordination :
« Motiver la subordination par des faveurs comprenant la suspension
de certaines règles de façon intermittente, en fonction
de la coopération dont fait preuve le détenu. Cela peut
se traduire par une déposition épargnant au prisonnier dêtre
fouillé à nu ou réclamant des fouilles superficielles
dans sa cellule, ou encore le consentement à des moments de promenade
préférés ou plus longs. Cela peut aussi se traduire
par larrêt du harcèlement verbal et donner lieu à
une certaine complicité par le biais de quelque discussion conviviale
avec les matons. Bien entendu, ce contrôle unilatéral du
sort du détenu lui impose un environnement instable et lempêche
absolument de savoir à quoi sattendre. Toute adaptation,
tout bilan des expériences vécues deviennent alors impossibles.
»
Au sujet des méthodes employées par ladministration
pour « faire preuve de son omnipotence et pour démontrer
la futilité de toute résistance » :
« Démontrer sans fin qui a le pouvoir implique des gazages,
des passages à tabac, et des enfermements au mitard. Dautres
manifestations du pouvoir touchent au non-respect des règles, en
émettant des accusations disciplinaires complètement fausses
ou inventées de toutes pièces, mais aussi à lusage
de la vidéosurveillance permanente, et surtout à limpossibilité
délaborer une quelconque stratégie de sortie. Pour
la plupart des détenus, la seule façon de sortir des conditions
de sécurité maximale est de lécher des pompes, de
se lancer dans des procédures de libération conditionnelle
sans fin, ou bien de mourir. Cest très clair, pour les condamnés
à mort, la seule issue, cest la mort (en moyenne après
16 ans). »
Á propos des méthodes de ladministration pour démontrer
que « le prix de la résistance est bien plus endommageant
pour sa propre estime que la capitulation, et pour réduire les
prisonniers à des inquiétudes dun niveau animal en
empêchant lhygiène personnelle, en promouvant un environnement
dégoûtant et en invoquant des punitions rabaissantes »
:
« Lempêchement de lhygiène personnelle
sopère en restreignant le nombre darticles vestimentaires
disponibles chez lintendant ainsi quen enlevant le savon,
le shampoing et dautres articles de la liste des produits en stock.
Forcer les prisonniers à garder des poubelles pourrissantes dans
leur cellule et autoriser le ménage une fois par semaine au mieux.
Ne pas fournir doutils essentiels, comme du détergent, créer
un environnement sale. Les gardiens, les avocats et même les visiteurs
passent souvent dans les cellules même quand on utilise les toilettes
il ny a pas dintimité. Les insultes et moqueries
constituent le harcèlement verbal ou en font partie intégrante.
Comme pour les punitions dégradantes, cela implique des tactiques
telles que se faire attacher nu, se faire sortir de cellule de force,
les fouilles physiques et de cellule, être escorté en se
faisant tenir par des gardes portant des gilets pare-balles et des lunettes
de protection, être sujet à des rapports disciplinaires montés
de toutes pièces et les pénalités qui en découlent,
et ainsi de suite. »
Sur les méthodes de ladministration pour « faire appliquer
des exigences banales afin de développer lhabitude de la
transigeance des prisonniers » :
« Parmi les stratégies principales figurent les accusations
disciplinaires montées de toutes pièces auxquelles sajoute
lapplication de règles violant des politiques intérieures
établies. Les fouilles de cellule servent également à
saisir des biens personnels autorisés. Il faut noter que pendant
ces fouilles les prisonniers sont menottés dans la douche, pendant
quune équipe de matons retourne tout, abandonnant les affaires
par terre en désordre ou endommagées. Ce sont plutôt
des destructions de cellule que des fouilles. »
Frank J. Atwood
ADC #62887
Unit SMU II (3-H-30)
Arizona State Prison Complexe Syman
Box 3400 - Death Row
Florence, AZ 85232 USA
Extraits tirés de la brochure Control Unit Prisons,
Prisons de sécurité maximale , isolement carcéral
et privation sensorielle, éditée par lAnarchist Black
Cross-Dijon.
Pour plus dinfos, pour recevoir la brochure complète ou le
bulletin mensuel de lABC, voir contacts.
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