Au début de l’année
1976, sous l’impulsion des mouvements sociaux et insurrectionnels
de la fin du franquisme, les prisonniers commencent à s’organiser.
L’un des fondateurs de la Copel (Coordination des prisonniers en
lutte) déclare à propos des relations qui s’établirent
entre les prisonniers sociaux qui fondèrent la Copel et les prisonniers
politiques : « Il fallait combattre la menace de la destruction
que porte la prison, et les prisonniers politiques étaient les
seuls qui pouvaient nous apporter une aide sur le plan de la connaissance
et de l’analyse. Et puis, c’était un moyen de nous impliquer
tous parce que nous nous rendions compte qu’ici on en bavait tous
les jours et qu’à un moment donné il fallait s’y
mettre tous, toi, prisonnier politique, et moi, prisonnier social, parce
que la lutte pour l’amélioration des conditions de détention,
pour la suppression des mesures spéciales, nous concernait tous.
»
Le premier objectif de la Copel était de briser la terreur que
faisaient régner les matons rescapés du régime franquiste.
Profitant des transferts pour faire passer des tracts de la taille de
cachets d’aspirine le mouvement s’étend et durant l’été
1976, une grève de la faim coordonnée est déclenchée
dans différentes prisons. La Copel se manifeste par des révoltes
ayant pour revendications l’amélioration des conditions de
détention, l’amnistie totale de tous les « détenus
sociaux » et la rupture avec les lois et les structures héritées
du franquisme.
Fin janvier 1977 des prisonniers de Carabanchel sortent une affiche :
« Manifeste des prisonniers de droits sociaux de Carabanchel »,
il s’agit d’une analyse sur les causes de leur situation et
les solutions possibles. Suite à cette parution il y eut, en Espagne,
trente-cinq mutineries et de nombreuses actions de protestation. En février,
dans une maison de redressement, une centaine de jeunes sont tabassés
; trois prisonniers sont poignardés par des mouchards de l’administration.
Plusieurs mutineries éclatent dans différentes prisons (prises
d’otages, destruction de matériel et affrontements avec la
police). Dans une prison, vingt-six taulards s’éventrent à
l’arrivée de la police, d’autres avalent divers objets,
un prisonnier qui s’est taillé les veines réussit à
s’évader de l’hôpital où il a été
transporté.
À l’extérieur, la solidarité se met en place.
Le lendemain quatre-vingt-dix-huit prisonniers sont transférés
et quarante automutilés sont placés en cellule de punition.
Une répression brutale s’abat sur la Copel. Le directeur général
des prisons, Carlos Garcia Valdès, tout en promettant une réforme
s’occupe de les infiltrer.
En janvier 1978, les soi-disant leaders de la Copel sont transférés
à la prison d’El Duesco. Valdès poursuit les négociations
avec les prisonniers. Un membre de la Copel explique : « Ils nous
offraient une sorte de cogestion de la prison. Au début, cela nous
semblait valable car ça signifiait gagner un peu d’espace
dans les prisons. On percevait déjà la stratégie
de contrôle et de répression de la part de l’État,
et pour cette raison nous décidâmes d’accepter la cogestion.
Mais rien ne se concrétisa, et des évasions massives firent
dire à Valdès que les prisonniers ne pouvaient être
des interlocuteurs crédibles puisqu’ils dialoguaient le jour
et s’évadaient la nuit, profitant des améliorations
pour creuser des tunnels. Les choses se précipitèrent. La
répression et le contrôle allaient croissant. La Copel perdit
des protagonistes parce qu’elle était en train de perdre ses
capacités de mobilisation. Ils nous isolèrent, s’attaquèrent
à la communication entre détenus. Le soutien extérieur
s’affaiblissait… »
Jusqu’en 1979 les mutineries se succèdent ainsi que les grèves
de la faim et les grèves d’ateliers. Dans les rues, seuls
quelques comités pro-Copel, quelques secteurs de la CNT et les
Groupes autonomes continueront d’appuyer la lutte
.
À ce moment, Valdès fait construire une prison spéciale
pour regrouper tous les mutins, c’est la prison d’Herrera de
la Mancha. Il s’agit en fait de plusieurs prisons dans une même
structure, chaque division étant indépendante l’une
de l’autre.
Au début des années 80 la Copel a complètement disparu.
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