Parce que nous considérons
que la lutte contre la machine répressive qui sert à optimiser
lexploitation des sans-papiers est liée par bien des aspects
à la lutte contre les prisons et pas seulement parce que
les prisons spéciales ou « normales » font partie du
parcours des sans-papiers , nous avons voulu présenter dans
lEnvolée nos activités et prendre le temps de développer
un peu nos points de vue. Les mots dordre particuliers du mouvement
des sans-papiers comme la libération de tous ceux qui sont emprisonnés
pour défaut de papiers, la fermeture des centres de rétention
ou la fin de la double peine nous semblent devoir être posés
non comme légitimant lenfermement des supposés «
vrais délinquants » mais comme participant dune lutte
contre tous les prétextes qui servent à enfermer ou à
expulser.
Un
peu dhistoire :
le 18 mars et ce qui sest ensuivi
Ce
quon appelle à lheure actuelle le « mouvement
des sans-papiers » commence le 18 mars 1996. Plusieurs centaines
de sans-papiers, majoritairement dorigine malienne et issus des
foyers de travailleurs immigrés de Montreuil, investissent une
église en plein centre de Paris. Dès les premiers jours
de loccupation, des centaines dautres sans-papiers sortent
de la clandestinité et se présentent pour rejoindre loccupation,
ce quils ne pourront pas faire puisque les occupants ont rapidement
décidé la fermeture du collectif.
Les associations de limmigration, au début (en gros jusquà
ce quelles réussissent à reformuler les revendications
globales des sans-papiers en termes de critères présentables
grâce à la nomination du collège des médiateurs,
groupe de « personnalités » constitué pour être
reconnu par lEtat pour négocier la régularisation
des cas présentables des sans-papiers de Saint-Ambroise), sont
obligées de suivre et se retrouvent dans limpossibilité
dexiger la sélection des dossiers quelles avaient lhabitude
de pratiquer.
Jusqualors, sauf exception, les rapports étaient établis
ainsi : comme il est trop dangereux pour les sans-papiers de sortir de
chez eux, surtout pour occuper ou manifester, des citoyens antiracistes,
de gauche, ou des associations issues de limmigration désormais
bien intégrées et souvent subventionnées agissent
pour leur bien. En restant dans la limite du raisonnable (« On ne
peut pas accueillir toute la misère du monde », par exemple,
ou « régularisations des parents denfants français
et conjoints de Français » ; « régularisation
dune partie des sans-papiers selon les critères des médiateurs
» ; « ceux qui en ont fait la demande ») ou en manifestant
une fois par an contre le racisme et les discriminations, et en défendant
au cas par cas les dossiers jugés défendables auprès
des préfectures. Sans parcourir une fois de plus lhistoire
dune lutte déjà assez longue pour avoir eu de nombreux
hauts et bas, on peut constater que toutes les tentatives de lEtat
ou dassociations et de partis qui, se présentant comme
soutiens, servaient en fait sa logique dautant plus efficacement
à partir du retour de la gauche au pouvoir ont consisté
à empêcher lauto-organisation effective des sans-papiers,
à les convaincre de rentrer chez eux en confiant leurs intérêts
aux gentils Blancs qui les soutiennent, en bref, à renoncer à
lutter pour labrogation des lois. Les parrainages, promus par des
associations caritatives et par la gauche de la gauche gouvernementale,
allaient tout à fait dans ce sens : les sans-papiers quittent les
collectifs, ou sont dissuadés de les rejoindre, et rentrent chez
eux, forts de la protection de leur parrain-français-citoyen-qui-a-une-bonne-situation
(bravo à celui qui sera parrainé par un député).
La dernière manuvre en date a consisté à chercher
à étouffer la revendication des papiers en lui substituant
celle du droit de vote, présentée comme une radicalisation
alors quelle concerne uniquement les immigrés pourvus dune
de ces désormais rarissimes cartes de 10 ans. Pirouette répugnante,
qui nie le mouvement des sans-papiers comme lutte sur des conditions de
vie et de travail en prétendant lintégrer dans une
aspiration à la citoyenneté qui lui est, de fait et nécessairement,
étrangère, puisquelle ne concerne en aucun cas les
premiers intéressés. Les sans-papiers se retrouvent utilisés
comme chair à canon de la consolidation du consensus citoyen :
on a pu voir des bonnes âmes sillonner les foyers pour expliquer
aux sans-papiers quil fallait demander le droit de vote avant de
demander des papiers. Sans commentaires.
Si ce changement est en effet fondamental, cest parce que le fait
de se mettre en lutte, de se réunir pour sinstaller dans
un lieu visible, cest déjà un moyen de changer les
conditions de vie de chacun des occupants. Les membres des collectifs
de sans-papiers cessent de vivre dans la peur et trouvent collectivement
la force de résister à un système qui les maintient
dans lisolement et dans la crainte pour mieux les exploiter. Arrestations
et expulsions sont beaucoup plus difficiles quand elles concernent des
membres de collectifs, qui sorganisent de façon relativement
efficace pour réagir collectivement en manifestant ou en se rendant
aux procès de leurs camarades. Pour ceux qui ont compris lintérêt
de sauto-organiser (le plus souvent ceux que les associations considèrent
comme indéfendables, et en particulier les célibataires,
catégorie sociale perçue comme difficilement maîtrisable),
plus question de laisser son dossier dans le bureau dune association
et de rentrer seul chez soi en continuant à subir, toujours aussi
isolé, les contrôles policiers, les menaces des employeurs,
les dénonciations des administrations, avec lespoir quune
bienveillance improbable des préfectures viendra changer ces conditions
de vie. Cest avec ces pratiques alors bien installées qui
ne font quentériner linvisibilité des sans-papiers
et reproduire des rapports paternalistes entre Français et immigrés
voire entre immigrés intégrés et sans-papiers
que nous avons décidé de rompre.
Cest donc dans la brèche ouverte par les sans-papiers que
se sont engouffrés ceux qui, dune manière ou dune
autre, se sont organisés pour trouver leurs propres modes dintervention.
Très vite, nous nous sommes en effet rendu compte que la position
de soutien était insuffisante, et nous nous sommes considérés
comme des acteurs à part entière dans cette lutte. La lutte
des sans-papiers est aussi la nôtre, pas seulement parce que les
sans-papiers représentent la figure extrême dune précarité
qui pèse sur tous. Les mêmes outils répressifs servent
aussi bien, par exemple, à nous empêcher de circuler librement
quà arrêter les sans-papiers : les dispositifs de contrôle
et de domestication de la main-duvre pour nous rendre exploitables
sont souvent les mêmes, sinon du même ordre. En sopposant
avec succès au contrôle bienveillant des associations, les
collectifs autonomes de sans-papiers nous ouvrent une possibilité
dempêcher ces dispositifs de fonctionner, à nous de
la saisir. Cette prise de conscience impliquait bien sûr de prendre
en compte la différence de situation vis-à-vis de la répression
entre ceux qui ont des papiers et ceux qui nen ont pas. Nous avons
donc cherché nos propres modes daction dans cette lutte pour
la régularisation de tous les sans-papiers en disant quelle
était aussi celle de la liberté de circulation et dinstallation
pour tous.
Le collectif Des papiers pour tous, par exemple, a commencé à
intervenir concrètement, le plus souvent par des occupations, contre
tous les rouages du dispositif de contrôle des sans-papiers, en
particulier dans tous les lieux où la délation permet des
arrestations (administrations comme La Poste ou lANPE, direction
des foyers immigrés) et dans les lieux où sorganise
lexploitation à moindre coût de la main-duvre
immigrée (par exemple la CAF, qui refusait de verser leurs prestations
aux immigrés sauf quand les mieux informés intentaient des
recours). Nous voulions que tout le monde puisse semparer de cette
question en sortant de la relation immigré-soutien, sans la laisser
ni aux « spécialistes de limmigration » ni aux
caritatifs. Cest dans cette optique qua commencé à
lautomne 1996 un travail avec le 3e collectif de sans-papiers (né
en août 1996, regroupant plus de 2 000 participants, ce collectif
était composé essentiellement de Chinois et de Turcs) sur
les perspectives globales de cette lutte. Le collectif Des papiers pour
tous a aussi travaillé à ce que les sans-papiers eux-mêmes
soccupent des questions juridiques qui les concernent, en transmettant
les formations théoriques quavaient reçues les militants.
Nous avons aussi uvré à lier la question des papiers
avec celles du travail clandestin (cette question nest apparue ouvertement
quau moment où le collectif 2000 a organisé une grève
des travailleurs clandestins avec manifestation dans le quartier même
de leur exploitation, Marais-Sentier, le 7 décembre 1998).
Autre exemple, en novembre 1996 se crée le groupe 13 Actif, avec
comme objectif la lutte contre toutes les discriminations dans un cadre
local, celui du xiiie arrondissement de Paris. Il sinvestira surtout
dans la lutte des sans-papiers en sefforçant de la lier avec
celle des autres travailleurs. Son action la plus significative sera lintervention
le 18 février 1998 à lhôpital de la Pitié-Salpêtrière,
appelée par les sans-papiers du 6e collectif, un syndicat des personnels
de lhôpital, 13 Actif et AC xiiie. Avec la participation dun
collectif de chômeurs et précaires, à un moment fort
du mouvement des chômeurs, cette occupation imposera une discussion
avec la direction administrative et médicale de létablissement
et obtiendra que tout le monde soit soigné gratuitement et sans
passer par la consultation-précarité mais immédiatement
dans les services médicaux sans devoir justifier dune inscription
à la Sécurité sociale, ni dun titre de séjour.
La question de la possibilité pour tous daccéder aux
soins nous concerne effectivement tous, avec ou sans papiers. Ce qui rapproche
ces différents groupes, cest quils interviennent comme
des acteurs de la lutte et non des soutiens, et quils considèrent
que la question des sans-papiers concerne la vie quotidienne de chacun,
que chacun peut trouver les moyens dy intervenir. Ce qui les rapproche
aussi, cest quils sont déterminés à changer
les rapports institués depuis la colonisation entre les blancs-qui-savent
et les colonisés-qui-ne-savent-pas. Cest toujours difficile
et, par exemple, cest à la demande du 6e collectif que les
militants de 13 Actif ont continué à constituer des dossiers
de dépôt de régularisation. Le collectif de la MDE
a maintenant cessé de déléguer aux associations spécialisées
ou aux soutiens individuels le suivi de leur dossier et a collectivement
pris en main lensemble des questions qui les concernent, y compris
juridiques et administratives.
La lutte contre les expulsions
et la naissance du CAE
La question des expulsions est assez vite apparue comme un moment spécifique
du processus de répression-soumission. Plusieurs petits groupes
saventurent dans les aéroports sans encore y trouver de modes
daction efficaces. Pour susciter des prises de position des salariés
dAir France, une campagne dinformation et de harcèlement
de la compagnie Air France, qui participe aux expulsions, est engagée
: à Paris comme en province des occupations ont lieu, des distributions
de tracts et des collages, quelques agences sont saccagées et des
vitrines brisées.
Le CAE est né en avril 1998, formalisant et organisant des interventions
relativement spontanées et efficaces à laéroport
de Roissy pour empêcher lexpulsion de sans-papiers arrêtés
en masse suite aux occupations des églises du xviiie et du xiiiearrondissement.
Cette répression très dure intervenait après le changement
de majorité. La gauche plurielle est au pouvoir : les sans-papiers
déboutés de la circulaire Chevènement se retrouvent
seuls, abandonnés par la sphère associative para-institutionnelle.
Le collectif est donc né dune pratique : intervenir directement
contre les expulsions en allant parler aux passagers des vols pour les
informer de la présence dexpulsés et les inciter à
refuser de voyager dans ces conditions. Les premiers résultats
sont encourageants, beaucoup de sans-papiers redescendent des avions.
Nous ressentons toutefois assez vite que ce travail au jour le jour doit
être complété par des interventions contre lensemble
du dispositif qui permet les expulsions (centres de rétention,
entreprises publiques ou privées qui collaborent avec lEtat,
etc.). Par ailleurs nous sommes conscients que lexpulsion est plutôt
à considérer comme menace pour maintenir sur le territoire
un volant de main-duvre exploitable à merci, nécessaire
à des pans entiers de léconomie de nos démocraties
avancées (BTP, confection, restauration). Ce que beaucoup appellent
lEurope-forteresse est bien plutôt une Europe-camp de travail
où peuvent pénétrer tous ceux qui vont vivre sous
la menace perpétuelle de lexpulsion. Si nous choisissons
malgré cette analyse dintervenir sur le moment de lexpulsion,
cest que cest le moment le plus visible et aussi le plus fragile
du parcours des sans-papiers interpellés : pour expulser, lEtat
a besoin de la complicité au moins passive du personnel de bord
des avions et des passagers. Que quelques personnes manifestent leur désapprobation
et cette machine fragile échoue : le sans-papiers est redescendu.
« Passagers debout,
pas dexpulsions du tout »
Nous avons donc décidé dêtre présents
aux embarquements des vols par lesquels ont lieu les expulsions pour susciter
des débats parmi les passagers « réguliers »
et les amener à intervenir pour empêcher lexpulsion.
Nous allons donc régulièrement à Roissy, peu nombreux
la plupart du temps (se déplacer à deux ou trois peut suffire)
pour intervenir auprès des passagers, aux jours qui nous arrangent
(il y a tous les jours 20 à 30 expulsions de Roissy). Nous y allons
parfois pour quelquun en particulier, sil nous a contacté
et que nous sommes disponibles. Pour diffuser cette pratique, pour que
tous ceux qui connaissent un sans-papiers arrêté cessent
de penser que laéroport est un point de non-retour, nous
avons écrit une brochure (Guide pratique dintervention dans
les aéroports) qui retrace le parcours à suivre, y compris
quand lexpulsé est redescendu. Notre but est que ces interventions
deviennent habituelles, que chaque expulsion devienne un problème,
ce qui commence à mettre en échec lensemble du dispositif.
Les avions sont presque les seuls lieux denfermement doù
il est possible de sévader sur simple protestation des passagers.
Si nous sommes plus nombreux, nous diffusons des tracts et nous nous déplaçons
en manifestation dans les aérogares. Nous avons organisé
des manifestations plus exceptionnelles : manifestation dans la zone internationale
le 15 octobre 1999, Journée internationale pour la liberté
de circulation et dinstallation, ou lancé de ballons à
hélium avec des slogans suspendus. Nous intervenons aussi régulièrement
auprès des personnels dADP (Aéroport de Paris, société
de gestion des multiples secteurs dactivités des aéroports),
ceux que nous rencontrons ou en allant les trouver dans leurs cantines.
Il est clair que ces interventions fonctionnent plus ou moins bien selon
les destinations des vols. Les passagers des vols touristiques ne nous
accordent que peu dattention (lenjeu est grave : il ne faut
pas être en retard quand on a loué trois nuits dhôtel
à Djerba). LAlgérie reste de toute façon une
destination délicate : les embarquements sont toujours très
contrôlés et les passagers eux-mêmes sont peu enclins
à se solidariser avec un de leur compatriote. En revanche, les
passagers des vols réguliers vers lAfrique sont généralement
des immigrés qui rentrent voir leur famille ou des commerçants,
tous ont des proches qui ont des difficultés avec leurs papiers
et ont bien souvent, eux-mêmes, connu des sans-papiers. Nous navons
bien souvent besoin que dattirer leur attention sur la question
et ils se mettent à débattre de la meilleure façon
dintervenir. Par ailleurs, les structures communautaires très
vivantes dans limmigration africaine en France, en particulier dans
les foyers de travailleurs immigrés, font que nos propositions
sont relayées et discutées dans de larges parts de la communauté
africaine et que, bien souvent, les passagers connaissent nos pratiques
avant même que nous leur en parlions et nous racontent comment ils
sont déjà intervenus deux-mêmes sur un vol précédent.
Les flics sont assez déroutés par nos modes dintervention
: comment empêcher quelques personnes de discuter avec les passagers
au moment de lembarquement, dans la partie publique de laéroport
? Après diverses manuvres dintimidation (insultes,
barrages, fausses alertes à la bombe pour nous évacuer),
ils nous ont mis en procès au tribunal de police pour « exploitation
non conforme dune zone aéroportuaire ». Nous ne risquions
que des amendes, mais cétait suffisant pour limiter la réappropriation
par tous de ce mode dintervention. Suite à une forte mobilisation,
surtout de la part des sans-papiers, qui, pour une fois, ont eu loccasion
dinverser les rôles et de venir nous soutenir, nous avons
été relaxés et continuons nos promenades à
Roissy.
Ni prisons, ni rétention
Nous avons assez vite décidé délargir notre
travail à lensemble des rouages de la machine à expulser,
à commencer par les lieux denfermement pour sans-papiers
(centres de rétention, zones dattente pour ceux qui sont
bloqués à lentrée sur le territoire, prisons,
tout simplement, puisque le séjour illégal est un délit).
Cette question est dautant plus importante que la France est en
effet en train dappliquer les dispositifs européens prévus
par Schengen en agrandissant son parc de prisons pour sans-papiers. Sous
couvert damélioration des conditions de détention,
il sagit évidemment dune amélioration des conditions
de la répression. Comme en Belgique, on construit des prisons qui
ont lair dorées (avec des toboggans pour les enfants quon
y enferme) pour pouvoir y enfermer pour de longues périodes les
sans-papiers (les douze jours de la France vont passer, comme dans les
autres pays dEurope, à plusieurs mois, en général
renouvelables à chaque refus dembarquement). Ces nouveaux
camps, construits et entretenus par des groupes privés, en particulier
le groupe Accor, entrent dans le cadre du développement des infrastructures
carcérales (construction des prisons de type 3 actuellement en
projet). Toutes ces prisons neuves pour sans-papiers, ou toute
autre catégorisation qui sert à enfermer ne doivent
pas voir le jour.
Nous avons, entre autres, occupé une zone dattente située
gare du Nord dans des locaux fournis à la PAF (ex-Diccilec) par
la SNCF en juin 1998, occupé la terrasse de lhôtel
Ibis de Roissy, dont le premier étage servait alors de zone dattente
(deux étages sont aujourdhui réservés à
cet effet
), manifesté devant le centre de rétention
de Vincennes le 27 juin 1999. Nous avons occupé le toit de la nouvelle
zone dattente Zapi 3 à Roissy avant son ouverture. Par ailleurs,
nous avons organisé, dès octobre 1998, une campagne de mobilisation
à Choisy-le-Roi. Le commissariat, en centre-ville, est aussi un
centre de rétention. Outre plusieurs rassemblements devant le centre
et une manifestation dans la ville de Choisy, précédés
de diffusions de tracts et de collages daffiches, nous avons soutenu
activement loccupation par les sans-papiers du Val-de-Marne dun
local paroissial situé juste en face du commissariat-centre de
rétention. Cest à cette occasion que nous sommes intervenus
contre lexpulsion dun sans-papiers tunisien, qui devaient
être extraits du commissariat et conduit en voiture jusquau
port de Marseille. Nous avons bloqué plusieurs heures la sortie
de la voiture, jusquà ce que les renforts soient assez nombreux
pour nous écarter. La voiture est partie en trombe et, à
2 heures du matin, notre rage nous a conduits au domicile du maire PC
de la ville qui, surpris de cette visite, sest vu obligé
dalerter en notre présence toutes les instances possibles
à Paris comme à Marseille. Au matin, un médecin envoyé
par la Cimade a pu monter sur le bateau et constater que le sans-papiers
avait été copieusement tabassé pendant le trajet.
Il a été débarqué et na fait lobjet
daucune poursuite, ni pour rébellion, ni pour refus dembarquement,
ce qui ne peut sexpliquer que par la détermination de la
mobilisation contre son expulsion.
Le centre de Choisy doit fermer au profit de louverture de celui
de Palaiseau, qui sera plus grand, plus moderne, apte à accueillir
les interpellés de la région et les double-peine de Fleury
et de Fresnes. Nous espérons bien empêcher sa construction,
avec tous ceux qui refusent que leur quotidien soit envahi par lunivers
carcéral. Nous avons donc décidé de nous rendre dans
les meetings électoraux de la campagne législatives de mars
2000 afin de demander plus de précisions sur ces projets. Après
avoir obtenu une confirmation gênée (le futur adjoint au
maire est aussi chargé de limmigration au PCF), nous avons
lancé une campagne daffichage dans la ville, alertant la
population de ce futur projet. Des habitants nous ont joints et se sont
fait le relais de cette contestation. Nous sommes également rentrés
en contact avec les ouvriers de LU (une usine est dans cette ville), les
sans-papiers de Massy
Pour informer et ouvrir des perspectives nouvelles
nous avons organisé avec divers groupes locaux une réunion
publique sur place le vendredi 12 octobre, dans le cadre de la Journée
internationale daction pour la liberté de circulation et
dinstallation. Une centaine de personnes y étaient présentes.
Des sans-papiers ont témoigné de leurs conditions de vie,
de leur lutte et pour certains de leur passage en rétention. Le
maire PS et un de ses adjoints se sont sentis obligés de venir
y déclarer quils étaient contre la construction de
ce centre, tout en prévenant prudemment quils ne pouvaient
y faire grand-chose (la gauche plurielle, au gouvernement, ny est
sans doute pour rien non plus
). Pour notre part, nous sommes effectivement
beaucoup plus confiants dans lefficacité de la mobilisation
des habitants de Palaiseau, et appelons à un rassemblement devant
la sous-préfecture le 10 novembre à 13 h 30. Lenjeu
de cette lutte, au-delà du fait que ce centre ne puisse pas ouvrir,
serait de rendre reproductible cette expérience. Nous sommes tous
appelés à subir ou au moins à côtoyer (la différence
est mince...) la généralisation de lunivers carcéral.
Il est temps de trouver les moyens de mettre concrètement ces dispositifs
en échec. Il est clair que pour nous, limportant est que
partout où un projet de ce type se concrétise, tous ceux
qui sont appelés à vivre à proximité des lieux
denfermement refusent dy être contraints.
La manifestation contre les prisons et pour soutenir les revendications
des prisonniers du 4 novembre 2000 a été pour nous loccasion
de poser ces questions dans le cadre de la généralisation
de lunivers carcéral qui nous menace tous, quelle que soit
la catégorie particulière dans laquelle on choisit de nous
ranger : à chacun sa prison spéciale
Pour continuer
ce travail, nous participons depuis au collectif Pour en finir avec toutes
les prisons. Nous refusons que la lutte contre lenfermement des
sans-papiers implique une catégorisation entre « bon détenus
», qui nauraient commis que des délits « légitimes
», et « mauvais détenus » considérés
comme vraiment coupables. Pour ces raisons, pour apporter la particularité
de notre angle de vue, mais aussi pour larticuler et limbriquer
avec dautres, notre participation à un collectif qui entend
traiter de toutes les formes denfermement nous semble importante.
Pour toute initiative, ou toute information, vous pouvez
nous contacter au numéro et à ladresse suivants:
Collectif anti-expulsion
dIle-de-France :
21 ter rue Voltaire,
75011 Paris.
Répondeur-fax : 01.53.79.12.21
e-mail: cae-paris@wanadoo.fr
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