Dans
le cadre de la célébration du xxe anniversaire de labolition
de la peine de mort en France, le Mouvement des jeunes socialistes de
lHéraut avait invité Robert Badinter pour un débat
avec les étudiants de la fac de droit de Montpellier.
Averties par hasard, à peine 48 heures avant, quelques personnes,
pas vraiment des étudiants en droit, pensant quil serait
de mauvais ton de perturber la fête à Robert (comme cela
avait été fait à Paris) ont tenté dans la
précipitation de mobiliser autour deux.
Laprès-midi du 29 octobre (jour de la rencontre) a été
consacrée au collage de 200 affiches (« La guillotine ne
laisse aucune chance, la prison non plus. ») dans les rues de la
ville et autour de la fac de droit, puis à partir de 17 h à
la distribution de 500 tracts (lappel pour une journée de
résistance, du Collectif des prisonniers de la centrale dArles)
devant le bâtiment et dans lamphi où près dun
millier détudiants sentassaient et attendaient Badinter.
A larrivée de la vedette nous étions déjà
bien repérés par les organisateurs qui, inquiets, nous tenaient
à lil et cherchaient en vain nos complices
mais
à ce moment nous ne nous comptions malheureusement que sur les
doigts dune main.
Après la projection dun film (sur labolition) un «
débat » débuta; Badinter, désignant qui devait
recevoir le micro, nous loffrit par mégarde pour la première
question : un camarade prit alors la parole, dénonçant lhypocrisie
dune telle commémoration à lheure du tout-sécuritaire,
alors que les peines ne cessent de salourdir et les prisons de se
remplir, que la mort y rôde toujours plus souvent, alors que la
France abolitionniste soutient partout dans le monde des dictatures (Turquie,
Mexique, Birmanie
) qui assassinent chaque jour. Lancien garde
des Sceaux tenta déluder la question et de déformer
nos propos. Mais un étudiant, voyant quon nous refusait à
présent le micro et la parole, revint sur la question des longues
peines, substitution à la peine de mort. Ce thème occupa
finalement les trois quarts du « débat » (qui cessa
au bout dune heure) au plus grand agacement de linvité
assez souvent interrompu par des gêneurs de tout poil.
Les centaines détudiants qui sattendaient à
assister à un « débat » sous forme de cours
magistral (ou linverse) sur labolition de la peine de mort,
et qui applaudissaient dès que Badinter se grattait loreille,
ont été surpris dentendre des voies dissonantes évoquant
le sort des prisonniers et les peines jusquà la mort. Surpris
et pour certains, cest évident, intéréssés.
Lorsquun camarade, interrompant Badinter, gueula du haut de lamphi
« Et trente ans incompressibles, cest pas la peine de mort
peut-être ?! » quelle ne fut pas notre surprise (et celle
de Badinter surtout) dentendre un certain nombre détudiants
applaudir dans la salle
Si notre intervention ne fut pas émaillée dactions
spectaculaires, elle fut malgré tout remarquée et il est
probable quelle na pas été inutile.
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