Il
y a peu dendroits où un être humain peut se retrouver
perdu. La prison est la perdition par excellence, culturellement parlant.
La culture en prison est la seule chose intéressante dans ces cas-là,
quitte à sen masturber pour ne pas se sentir perdu. Elle
te permet de tévader, de torienter vers un but, de
ne pas te perdre. Ne pas se perdre. Elle peut être nécessaire
selon les individus, le capital intellect. Et cest dailleurs
pour cette dernière raison quelle nest pas égalitaire.
« Pour nous autres, les pauvres en général, la culture
est la vaseline qui nous permettra de pénétrer la société.
»
La question majeure posée ici est la place quoccupe la culture
en prison. La grande nouveauté est quelle nest plus
demandée, désirée par le sujet, elle devient imposée
par les âmes bien-pensantes. Ces mêmes âmes qui veulent
nous faire ingurgiter leur nec plus ultra, peu importe ce que le sujet
veut et peut comprendre. Lessentiel est que ce soit culturel.
Notons ici que le sujet = le détenu. La culture en prison est devenue
facteur de réinsertion sociale. Lintervenant devient donc
roi, et le détenu sujet. Sujet à marcher droit si il veut
se cultiver, etc.
Dans ces conditions, la culture na plus de raison dêtre,
ni un état desprit. Elle devient une épée de
Damoclès, un punching-ball, un couteau à double tranchant
et surtout un moyen de chantage envers les détenus.
Au cours des émissions de lEnvolée, nous avons interviewé,
entre autres, les intervenants culturels en milieu carcéral. Certes
ils étaient passionnés par leur façon et leurs propos
à impliquer la culture dans les prisons. Mais ils ne nous ont pas
donné lenvie davoir envie (comme dirait ah-que-Johnny)
de sinstruire dans les taules.
Lors de ces interviews, certains nous ont donné plus limpression
quils importaient plutôt, au lieu dapporter comme ils
le prétendaient.
Nous pouvons donc conclure que la culture est une monnaie déchange
comme lest limport/export en règle générale.
Mais attention, ce nest pas du domaine de léchange
ou du troc ! Ladministration pénitentiaire est ce quelle
est et les intervenants sont aussi ce quils sont : des gestionnaires
de misère. Nous faisons ici une petite différence entre
lintervenant qui subit la pression de lAP, mais reste parce
quil na pas ou plus le choix pour X raisons, et celui qui
reste parce quil était là au commencement (exemple
: les professeurs de léducation nationale en poste intra
muros) et que sa mission est de finir au moins lannée scolaire.
Dailleurs, ces mêmes professeurs qui enseignent lalphabétisation
aux étrangers naccepteront jamais quun de leurs élèves
aille dans une autre activité qui est à la même heure
que leur cours (et hélas ! à la même adresse), et
pourtant le détenu a aussi un besoin culturel daller voir
et entendre autre chose qui se passe dans les autres activités.
Nous ne comprenons donc pas quels enseignement et culture peuvent-ils
apporter réellement dans ces conditions-là, et à
qui ? Après tout, ce nest pas le temps du taulard qui compte
ici, mais le leur.
Tout comme ces intervenants qui exploitent et finissent par voler. Nous
avons dailleurs des exemples de pourritures qui soctroient
doffice le travail artistique des taulards jusquà en
faire leur propriété sans que le nom de lauteur de
luvre soit cité.
Nous avons des pourritures qui font du chantage affectif. Nous avons même
des intervenants qui attaquent dautres intervenants en justice (cest
un monde cruel). Mais rassurons-nous, il ny a pas que des lâches,
des vicieux, des gagne-misère comme intervenants.
Il y a aussi des braves gens qui, comme un « poisson dans leau
», finissent par comprendre quil ne faut pas mordre à
lhameçon de ladministration pénitentiaire. Ce
genre de poisson conclut à un moment donné que ce sont les
détenus qui lui offrent une source dénergie. Vous
voyez que nous sommes loin dêtre convaincus par les intervenants
culturels et autres. Cest dautant plus merdique que tout cela
nest pas prêt de saméliorer. A lheure où
lon nous rebat les oreilles avec la réforme pénitentiaire
où lun des axes principaux est la culture, nous pouvons dire
à certains darrêter de venir nous faire chier pour
nous parler du coût de la baguette. La culture, lorsque lon
veut sinstruire, coûte cher. Il faut avoir les moyens. Alors
imaginez un pauvre en prison
Il na les moyens ni de se nourrir
ni de se vêtir quand le peu quil gagne lui permet tout juste
dacheter des enveloppes et des timbres pour écrire (lécriture
étant aussi culturelle). Va donc lui parler de culture quand son
ventre gueule famine. Et pourtant, il est la première personne
concernée sur qui le pouvoir sappuie pour se maintenir au
sommet.
La culture est comme le caviar, ce sont toujours les riches qui le mangent
sur le dos des pauvres gens.
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