Au
printemps dernier, le collectif contre les longues peines de la centrale
dArles, regroupant des prisonniers qui depuis environ deux ans mnent
des luttes contre les longues peines, avait signal
é quaux alentours du
9 octobre, socialistes, criminologues et humanistes de tout poil allaient
comm
émorer les vingt ans de labolition de la peine de mort. Ce collectif
avait d
écid
é de ne pas les laisser se congratuler. Pour cela, ils ont
fait une affiche La guillotine ne laisse aucune chance, la prison non
plus et lanc
é un appel tous ceux de lint
érieur et de lext
érieur
pour perturber leur petite fte et profiter de loccasion pour parler
des longues peines.
Cet appel a
ét
é distribu
é devant les
prisons de la r
égion parisienne et devant la prison de Loos. De laffiche
nous avons fait 250 tee-shirts qui ont
ét
é envoy
és un peu partout. Il
est rentr
é lint
érieur des prisons grce la complicit
é des familles
et proches de prisonniers qui les ont fait passer au parloir (h
élas, parfois
un manque de camouflage a entran
é la confiscation la fouille).
Quant leur comm
émoration nous y avons jou
é les trouble-fte.
Au programme, le 5 octobre, concert organis
é par Amnesty international
avec outre Sapho et Jane Birkin, un discours de Robert Badinter.
Bob le grand humaniste qui
était, certes, garde des Sceaux au moment o
la peine de mort a
ét
é pr
étenduement abolie (en fait, la France na sign
é
que le protocole n 6 qui vise labolition de la peine de mort en temps
de paix), mais qui l
était toujours lors de la mutinerie de Fresnes en
1985, quand les prisonniers sont mont
és sur les toits et que les flics
sont intervenus. Intervention qui a abouti lassassinat dAlain Pinol
( tomb
é du toit). Le mme Robert qui, aujourdhui, d
éclare dans Lib
ération
quil approuve les lois antiterroristes que sont en train de mettre en
place tous les Etats civilis
és , ainsi que Vigipirate, sous pr
étexte
que nous sommes en guerre.
Nous nous retrouvons donc une vingtaine sur les lieux dudit concert,
m
élang
és un public qui attend Cheb Mami avec impatience. Aprs une heure
dattente, Robert fait son entr
ée sur scne. Avant quil ne commence
sautof
éliciter davoir fait preuve dun si grand humanisme en abolissant
la peine de mort (la bonne blague !), nous d
éployons une banderole*, des
affiches : Vingt ans dabolition de la peine de mort, tu parles La
guillotine ne laissait aucune chance, aujourdhui la prison non plus !
, au m
égaphone nous expliquons le pourquoi de notre pr
ésence. Devant
Badinter fig
é, il est dit que la peine de mort nest pas abolie en France,
que les tribunaux condamnent des peines de plus en plus longues, que
les prisons sont des mouroirs Le public applaudit mais cet enthousiasme
nest pas partag
é par tous et nous nous faisons d
éloger par les gros bras
responsables de la s
écurit
é, relay
és par leurs collgues en uniforme.
Profitant du bordel, quelquun a r
éussi se glisser sur la scne, il
pique le micro Robert qui commenait peine reprendre son sang-froid,
le temps de dire trois phrases et revoil les mastards qui le sortent
manu militari. Certains dentre nous ayant r
éussi a
échapper leur vigilance
continuent gueuler. La retransmission la t
él
é le lendemain matin a
permis aux prisonniers matinaux de pouvoir d
éguster le spectacle.
Le 6 et le 7, Amnesty, avait install
é des tentes au Trocad
éro pour d
ébattre
sur les bienfaits de labolition et gronder tous ces tats barbares (les
tats-Unis en tte) qui condamnent encore mort. Le 7, nous nous retrouvons
sur le parvis des Droits-de-lHomme. Pour acc
éder l'emplacement des
tentes nous traversons une exposition de photos sur tous les types dex
écutions
travers le monde, agr
ément
ées par quelques textes sur les diff
érentes
tortures et au milieu un superbe portrait de Badinter. notre arriv
ée,
cest la panique chez les organisateurs qui font imm
édiatement le lien
avec les excit
és du concert. Nous installons une autre banderole (la
dernire ayant
ét
é d
érob
ée par la mar
échauss
ée) : Pour en finir avec
toutes les prisons et une cellule. Nous constatons que cette comm
émoration
nattire pas les foules ; aprs avoir distribu
é des tracts aux quelques
int
éress
és, avec qui, souvent, sensuit une discussion, et aux touristes
venus voir la tour Eiffel ; nous repartons. Seuls quatre dentre nous
restent pour assister au d
ébat intitul
é : Comment sanctionner les crimes
les plus graves ? De lext
érieur nous entendons Badinter nous appeler
: Maintenant que je ne suis plus la tribune, fates entrer les chevaliers
de la courte peine ! peine rentr
és, Robert nous tombe dessus en tr
épignant,
rouge de colre et hurlant : C
était mon anniversaire, vous mavez gch
é
ma comm
émoration , il attrape lun dentre nous par le col, se rendant
ainsi ridicule aux yeux de toutes personnes pr
ésentes sous la tente. Nous
lui faisons calmement remarquer que sil y avait violence cela venait
de son fait, et tout de suite, nous lui avons parl
é de ses peines
de sret
é, de ses quartiers disolement.
Une fois cet excit
é sorti, nous avons pu commencer le d
ébat, nous avons
dit que la logique qui a pouss
é abolir la peine de mort est la mme
qui a entran
é laugmentation de la longueur des peines, linstallation
de peines de sret
é et la future construction de prisons de niveau 3 (prisons
tombeaux). Que la France est quasiment le dernier pays dEurope avoir
aboli la peine de mort, quelle navait pas dautre choix pour saligner
sur le systme judiciaire europ
éen sans risquer de se trouver dans la
mme situation que la Turquie maintenant et alors quils nous opposaient
la soci
ét
é d
émocratique du droit nous leur avons rem
émor
és lassassinat
de Patrick Mirval et la promotion du pr
ésum
é responsable de sa mort (Danet),
qui de maton est devenu directeur de la centrale de Clairvaux. La tribune
o se trouvent P. V. Tournier (AFC), J.-J. Prompsy (groupe Miallet) applaudit.
tonnamment, cette tribune tient un discours radical sur labolition de
la soci
ét
é carc
érale, mais la question Cest bien beau tout a mais
concrtement y spasse quoi ? ils r
épondent plus de contrle, bracelet
électronique, etc.
Last but not least, le mardi : rendez-vous au Panth
éon. Badinter et sa
clique veulent d
époser une gerbe sur la tombe de Victor Hugo, nous sommes
l, au d
ésarroi de certains mais nous avons tout de mme trouv
é quelques
complicit
és parmi les participants cette comm
émoration. Dune fentre
de la fac de droit, en face du rassemblement, nous installons une banderole
: Toutes les prisons sont des couloirs de la mort. En bas, une cellule
avec un prisonnier, des horloges et autour des hommes en blouse blanche,
la mme banderole quau Trocad
éro et une autre : Lhumanisme, cest
la politesse des salauds . Deux dentre nous trouvent une place dans
la d
él
égation qui se rend sur la tombe. Vtus des tee-shirts o est inscrit
dans le dos : Depuis 1981 plus de 2 000 prisonniers sont morts dans
les prisons franaises et 600 perp
étuit
és, 700 DPS, plus de mille
dans les quartiers disolement, combien de prisonniers emmur
és vivants
, a devient une habitude, on vole la vedette Robert, lint
érieur
des papillons sont d
épos
és sur la tombe : En symbole de l
évasion
et une phrase est dite pour les prisonniers morts depuis 1981 (en se suicidant,
au mitard, de maladie). Une nouvelle fois, nous constatons le peu de mobilisation
autour de la comm
émoration et, ce coup-l nous sommes presque plus nombreux
queux. Des personnes qui se trouvaient au concert ou pr
ésentes le dimanche
sont revenues discuter.
Nous apprenons par la suite quՈ Arles les prisonniers ont fait ce quils
avaient dit, des refus de plateaux et le blocage de certains couloirs.
Au D1 Fleury, un gros p
étard explose dans le gymnase et souffle les
vitres, au D5, huit prisonniers ont fait un refus de plateaux. A Montpellier
et Marseille, des bulles (celles que nous avons utilis
é le jour du concert)
ont
ét
é coll
ées un peu partout dans la ville. A Chalon, le collectif des
5-10 a fait une manif dans la ville et d
épos
é une banderole sur les marches
du palais de justice. A Lille, des affiches et des bulles ont
ét
é coll
ées
dans la ville, entre autres devant le palais de justice.
(*) Sur cette banderole sont
écrites les revendications des prisonniers
de Lannemezan, ce sont en fait les mots dordre des luttes carc
érales
depuis longtemps :
Abolition
du mitard et du pr
étoire.
Fermeture du quartier disolement.
Rapprochement affinitaire, familiale et politique.
Lib
ération des prisonniers gravement malades.
Abolition de la double peine.
Abolition des longues peines.
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