INDULGENCE, GRACE ET PAPAUTERIES
(Italie)

Il y a quelques mois un vaste mouvement de protestation avait rassemblé la majorité des prisonniers de 150 geôles italiennes (cf. envolée n° 7). Le mouvement actif (refus de plateaux, refus de promenades, grèves tournantes…) s’est arrêté suite aux différentes promesses du gouvernement et au discours du pape devant l’assemblée nationale. Sa Saleté y réclamait « un geste de clémence » sur fond de charité chrétienne et préconisait une « réflexion en vue de quelque réforme car les faits que nous avons tous sous les yeux nous disent que cette forme punitive ne réussit qu’en partie à faire face au phénomène de la délinquance. D’ailleurs, dans de nombreux cas, elle semble créer plus de problèmes qu’elle n’en résout ».
Un débat s’est immédiatement engagé entre toutes les forces politiques du pays sur la nécessité d’une réforme pour « améliorer » l’efficacité du système carcéral avec l’éventualité d’une indulgence (grâce collective portant sur une partie de la peine) qui réduirait de trois ans toutes les peines.
Dans la plus grande tradition démagogique des grands débats d’opinion, on a vu alors un déchaînement de propositions plus racoleuses les unes que les autres à des fins partisanes et politiciennes.
Trois députés du parti Radical (l’ancien parti de la Cicciolina) se sont lancés dans une grève de la faim en faveur d’une grâce dans un élan de piété exemplaire…
Berlusconi, favorable à l’indulgence, en opposition à ses camarades d’extrême droite, a annoncé la libération prochaine d’une dizaine de milliers de détenus. Ses collègues de Forza Italia (qui comme lui-même ont beaucoup de démêlés avec la justice) ont demandé que l’indulgence porte sur cinq ans et qu’elle exclue le moins de catégories possibles…
Alors qu’au départ les principaux leaders de la gauche s’étaient prononcés contre l’indulgence arguant du fait qu’elle allait mettre en liberté « un grand nombre de maffieux » ce qui serait une insulte au « travail exemplaire des juges » ; ils sont récemment revenus sur leurs positions en envoyant leurs députés visiter des prisons pour « rencontrer les détenus et vérifier leur état de détention » et se déclarer favorable à une grâce de trois ans, point barre…
Les Verts quant à eux se sont prononcés pour que l’indulgence touche aussi les ex-terroristes, les personnes pas encore condamnées et les condamnés à perpétuité et pour « une amnistie des délits mineurs avec l’objectif de libérer les tribunaux d’un excès de procédures pénales qui en réalité gênent l’application des peines pour les délits les plus graves »…
Le président de la République, Ciampi, le président de l’assemblée nationale, Casini, le Garde des Sceaux, Castelli et une horde de journalistes s’en sont allés visiter les prisons où, suite à des projections de films et au milieu de petits fours, ils rassuraient les prisonniers en leur laissant espérer l’indulgence et bien sûr l’amélioration de leurs conditions de détentions en construisant de nouvelles prisons…
Bref, comme nous avons pu le voir en France il y a deux ans, le fameux débat sur la prison ne met jamais en cause son existence même, il sert plutôt à la réformer pour améliorer son fonctionnement et les revendications des prisonniers telles que l’abolition de l’article 41 bis et la libération immédiate des détenus malades n’ont pas été satisfaites.
En tout cas l’indulgence, la « grâcinette » ou l’amnistie tant attendue reste dépendante au bon vouloir des députés qui lancent un débat parlementaire ce 12 janvier, et se prononceront pour ou contre le 16. Les prisonniers, eux, n’attendront pas ce moment-là : ils ont d’ors et déjà appelé à une grève de la faim dans une cinquantaine d’établissements à partir du 13 janvier.

Les prisonniers de la prison de Rebibbia ont créé l’association « Papillon-Rebibbia » pour autogérer la bibliothèque en 2001. Auparavant sous forme de collectif, ils ont participé à de nombreux mouvements de protestation de 1996 à 1998 et ont fait parvenir des textes à l’extérieur, relayés par les centres sociaux et la radio alternative romaine « Radio Onda Rossa ».