ITALIE

Il y a une dizaine d’années le juge Falcone et son pool lançaient l’opération « Mains Propres ». Elle était censée « nettoyer l’Italie de la plaie de la maffia ». Comme toute éradication d’un phénomène social, cette opération s’est accompagnée d’une série de lois spéciales ultra-répressives et peu démocratiques. Mais comme la maffia a le sens des affaires très développé, la voiture du juge Falcone heurta un pain de plastique par une belle soirée d’été, sa carrière d’arriviste s’arrêta aussi brusquement qu’elle avait commencé. Les incarcérations en chaîne se succédèrent dans tout le pays. Mais l’influence des maffieux dépassant de très loin celle de la loi – vu qu’ils géraient leurs affaires de l’intérieur étant copains comme cochons avec les matons – la corporation des juges déclara que leur honorable travail se révélait quasi inutile. De fait, comme prévu durant l’opération « Mains Propres », les non moins honorables législateurs élaborèrent l’article 41 bis.
La mise en place d’un système d’isolement cellulaire avec des mesures restrictives : être seul en promenade, n’avoir aucun accès aux activités et au matériel normalement disponible et les parloirs, le courrier et les visites d’avocats laissés au bon vouloir du juge. Cette mesure jugée extrême en Italie, car les conditions de détention y permettent plus de contacts et de liens sociaux, n’est adoptée que temporairement, histoire de mettre un peu d’ordre dans la maison. Et comme tout ce genre de lois, son aspect éphémère ne fait que perdurer au fil des années. Début 2002, après que les démêlés avec la maffia semblent réglés, Democrazia Socialista (gauche), Alleanza Nazionale (extrême droite), Lega Nord (extrême droite) et la Margherita (centre gauche) proposent un durcissement et une extension de l’article 41 bis « au trafic d’êtres humains, au trafic de drogue, au terrorisme et à toute tentative violente de renversement de l’ordre démocratique ». Forza Italia (parti de Berlusconi) suit le mouvement. En septemb re 2002, la commission justice du Sénat vote la proposition de loi (204 voix pour, 16 voix contre, 6 abstentions).
L’abolition du 41 bis devient une des revendications des prisonniers en lutte et de nombreux anarchistes, centres sociaux ou communistes se mobilisent. Des avocats et l’Union des Chambres Pénales (équivalent du barreau) veulent saisir le conseil constitutionnel en invoquant l’article 27 selon lequel « la prison doit être un moyen de rééducation et de réinsertion et non un châtiment (…) avec des traitements humains, sans coercition ni torture dans le respect de la constitution », nous voilà rassuré… Un texte critiquant l’article est rédigé et Pisapia, député de Rifondazione Communista, le reprend pour en faire un projet de loi qui recueille 102 voix ; cela permet que la loi ne soit pas rétroactive et qu’elle ne s’applique qu’aux enquêtes postérieures à décembre 2002. Tout type de communication (vers l’extérieur et à l’intérieur) du prisonnier passera par le magistrat en charge de son affaire. Et comme la morale semble toujours faire bon office, la justice a prévu que le 41 bis ne puisse touché les repentis, q ui pourront eux, jouir des aménagements de la loi Gozzini qui garantie la conditionnelle et la semi-liberté.
sd