COMMENTAIRE...(suite)

La proposition, formulée dans ce texte, de « fédérer les énergies » en renforçant un pôle de défense d’une catégorie particulière (les prisonniers politiques) nous semble une erreur tactique et politique. D’abord parce que cette catégorie ne nous semble pas pertinente : quel projet commun entre les camarades communistes et anarchistes et les militants nationalistes ? Et ensuite par ce que les « prisonniers politiques » ne peuvent pas se targuer d’avoir été à l’avant garde des luttes anti-carcérales en France. Ce sont les comités de prisonniers, constitués principalement de « droit commun » mais auxquels participent également certains « politiques », qui ont mené toutes les luttes importantes de ces vingt dernières années. Et si les comités de prisonniers ont intégré dans leurs revendications l’exigence du regroupement (politique, affinitaire ou familial) et affirment une volonté de lutter contre les « lois spéciales » (qui ne se limitent pas aux lois « antiterroristes » mais concernent également, entre autre, l’« association de malfaiteurs » et la législation sur les stupéfiants), la réciproque n’est pas vraie ; par exemple, à notre connaissance, le FLNC n’a pas pris position sur la fermeture des Quartiers d’ isolement, l’abolition du mitard et du prétoire. Qui plus est, la revendication particulière mise en avant par les prisonniers nationalistes (le regroupement) se traduit par la construction de prisons supplémentaires dans « leur » zone géographique, ce à quoi aucun autre prisonnier ne peut applaudir. Pour toutes ces raisons nous n’estimons pas que la catégorie « politique » constitue une avant garde au sein des prisons et à ce titre nous ne pensons pas que la conscientisation politique des prisonniers sociaux soit plus une urgence que la conscientisation sociale de nombre de prisonniers politiques.
La catégorie « prisonniers politiques » est une catégorie du Pouvoir, le seul point commun entre un prisonnier communiste (ou anarchiste) et un prisonnier nationaliste c’est d’être prisonnier (condition qu’il partage avec ses camarades de « droit commun ») ; et s’il est vrai que des conditions particulières de détentions sont plus fréquemment utilisées à leur encontre (statut DPS, Isolement) cela ne résulte que de la volonté de l’État de diviser pour mieux régner, sans compter qu’elle n’est pas leur exclusive.

La conclusion de l’appel de Gaël Roblin et de Joëlle Aubron à faire l’unité avec cette même « gauche de la Gauche » (le soutien critique à la Gauche plurielle… qui a appelé à voter Chirac), et mentionnant nommément « la LCR, les Motivés, le DAL, la Confédération Paysanne », etc. c’est-à-dire la social-démocratie moraliste, légaliste et citoyenne (toutes ces organisations sont membres d’Attac) qui œuvre au renforcement de l’État et qui, par exemple, n’ont pas hésité à appeler à un durcissement de la répression contre les émeutiers à Göteborg et à Gênes, nous laisse perplexes. Nous tenons juste à souligner qu’aucun d’entre eux n’a pour l’instant émis de critique relative au programme de construction de 13 200 nouvelles places de prison (certainement qu’ils pensent que cela constitue un progrès citoyen et un remède à la surpopulation carcérale).

Pour dire les choses clairement, nous sommes prêts à participer ponctuellement à des initiatives communes avec quiconque tant que nous gardons notre autonomie d’action et que personne ne s’arroge l’hégémonie de la représentation médiatique, et d’ailleurs c’est ce que nous avons toujours fait. Le « tous ensemble » doit être réalisé à la base et c’est ce qui garanti la solidarité et le rapport de force, mais il ne faut pas être naïfs quand on réalise l’unité au niveau des « appareils », c’est-à-dire avec des professionnels de l’embrouille, c’est le terrain le plus propice à toutes les magouilles et manipulations.

L’unité ne peut se faire pratiquement que sur des mots d’ordre qui touchent et mettent en mouvement les personnes concernées concrètement. Il s’agit d’impliquer le plus de personnes possible dans la pratique de la lutte et non de soulever des indignations pleurnichardes de la part de la gauche morale. Aujourd’hui cette unité ne peut se faire que sur la base de la plate-forme historique du mouvement des comités de lutte de prisonniers :
— Abolition du mitard et du prétoire
— Libération des prisonniers malades
— Regroupement politique, affinitaire et familial
— Abolition des longues peines
— Fermeture des quartiers d’isolement
— Abolition de la double peine

Liste à laquelle nous rajoutons :
— Abolitions des lois spéciales
— Empêcher la construction de nouvelles prisons.