NOUVELLES PRISONS (suite)

Chronologie des luttes anti-carcérales de 71 à 89

P Fin janvier 1971 à Paris, quelques roquettes artisanales et des pétards sont tirés contre les murs de la prison de la Santé, en soutien à la grève de la faim des membres de la G.P. (Gauche Prolétarienne) et de V.L.R. (Vive la Révolution). Un communiqué sera diffusé en direction des prisonniers grâce à un magnétophone. Action revendiquée par la N.R.P. (Nouvelle Résistance Populaire). Cette forme d’action, au cours des années soixante-dix, sera menée plusieurs fois par des groupes libertaires à Paris, Toulouse, Montpellier… en solidarité avec des amis détenus.
P 1.2.1971. Plusieurs militants de la Gauche Prolétarienne sont emprisonnés dont Alain Geismar ; ils font la grève de la faim pour obtenir le statut politique. Afin d’appuyer cette revendication, 2 cocktails molotov sont lancés contre les locaux de la Direction régionale pénitentiaire à Lille et provoquent un début d’incendie. Un tract signé « Mouvement de la jeunesse » a été distribué avant l’action, le texte met en accusation le ministre de la Justice « M. Pleven l’embastilleur » et réclame « le régime politique ».
P 15.1.74. A Paris, vers 13 h 45, attentat au palais de justice, c’est la statue de St Louis qui trinque. La tête vole en éclat. En soutien aux membres des G.A.R.I.* incarcérés et en grève de la faim pour l’obtention du statut politique, c’est le G.A.L.U.T. (Groupe Autonome Libertaire des Usagers du Tribunal) qui revendique l’action. Ne pas confondre avec Galut, juge à la cour de sûreté de l’Etat qui instruit l’affaire des G.A.R.I. D’autres actions ont été menées jusqu’à la libération des derniers membres de cette coordination en mai 1977. Mais nous y reviendrons dans un dossier plus complet sur cette époque. P Dans la nuit du 25 au 26 juillet 1974, alors que dans de nombreuses prisons les détenus organisent des révoltes qui ébranlent la machine pénitentiaire, la solidarité active s’exprimera à l’extérieur par le dépôt de charges explosives dans les locaux du syndicat CGT pénitentiaire et devant la Direction de l’administration pénitentiaire à Paris. Un mouvement qui s’intitule « les damnés de la terre » revendique dans un communiqué l’action et explique « que les attentas ne sont qu’une première réponse aux massacres légaux dans les prisons : Patrick Mirval à Fleury-Mérogis et maintenant Clairvaux et Nîmes, sans parler des suicides ». Le groupe ajoute : « Nous voulons que le gouvernement sache que nos luttes ne se limiteront plus au cadre étroit de l’administration pénitentiaire où nos camarades sont massacrés par les forces de répression lorsqu’ils se révoltent à mains nues contre les pourritures des prisons. Nos luttes seront désormais appuyées de l’extérieur d’une façon continue qui ira en s’amplifiant et jusqu’à la destruction de toutes les prisons… »
. P Dans la nuit de Noël 1974, un bulldozer enfonce la porte de la maison d’arrêt de Limoges et provoque l’effondrement d’une bonne partie du mur. L’engin de 130 CV, détourné d’un chantier, traverse la ville pour donner les trois ou quatre coups de bélier les plus fortement symboliques de la lutte anti-taules. Deux années plus tard, l’auteur de cette courageuse action adresse à la presse le détail de son déroulement : « Depuis plus d’un an cette pensée m’obsédait ! 1974, c’est l’année des grandes révoltes dans les prisons, l’affaire Baader, les exécutions en Espagne. J’étais décidé à tenter quelque chose (…).Tous ceux qui sont enfermés… J’ai chanté, je sais. Peut-être de vieilles chansons de la Commune. Vous savez, c’est impressionnant, tout seul, une nuit de Noël, au volant d’un bulldozer et gonflé de cette certitude (…). Je vais vers le mur. Mes tripes et l’énergie de l’engin sont une seule et même volonté. Maintenant je suis en pleine puissance et je tape comme un fou… ».
P Dans la nuit du 19 au 20 mai 1976, une bouteille de gaz explose contre la porte de la maison d’arrêt de Quimper. Façon originale et opportune de souhaiter la bienvenue à Mme Dorlhac, alors secrétaire d’Etat à la condition pénitentiaire, qui allait visiter la prison le lendemain.
P Dans la nuit du 8.10.77, Une bombe explose au domicile du Garde des Sceaux, Alain Peyrefitte, à Paris.
P Dans la nuit du 14.10.1977, deux attentats à l’explosif contre le ministère de la justice et à l’intérieur du palais de justice à Paris. C’est trois attentats sont revendiqués par les N.A.PA.P. (Noyaux Armés Pour l’Autonomie Populaire) qui déclarent avoir « attaqué ce repaire de l’injustice pour soutenir la grève de la faim des prisonniers politiques de la Santé et de Fleury-Mérogis pour le statut politique ».
P 25.3/1978. Un engin explosif détruit la porte de la maison d’arrêt de Montpellier et fait voler toutes les vitres du quartier en éclats. L’opération est revendiquée par le « Groupe Autonome Libertaire ». P 10.8.1978. Un autre paquet explosif est lancé contre la même maison d’arrêt. Le Groupe Autonome Libertaire explique cette fois que son but « est d’attirer l’attention de l’opinion publique sur le sort des membres des groupes autonomes détenus en Espagne, à Barcelone et Madrid, depuis janvier et février 1978. Nous exigeons leur libération ainsi que celle des libertaires incarcérés à Nîmes depuis juillet 1978 ».
P 7.11.1978. Cinq charges de plastic, de dix kilos chacune, explosent causant d’importants dégâts à la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, alors en construction. Un mirador sera détruit. L’ouverture de la prison sera retardée de plusieurs mois. « Il était une fois un groupe d’individus vivant dans une société démocratique libérale avancée », écrivent dans leurs revendications les initiateurs de l’action, « termes politiques servant à désigner un système social basé sur l’asservissement, la coercition, la punition, et ayant créé pour cela des écoles prisons, des usines prisons, des prisons prisons (…). Les individus décidèrent donc un jour de s’attaquer à l’intolérable et choisirent comme objectif ce qui leur semble être le symbole le plus représentatif de ce système, les prisons prisons… ». P Dans la nuit du 18 au 19 janvier 1979, un attentat revendiqué par les « Brigades Ouvrières Internationales » provoque un début d’incendie au palais de justice de Pau.
En cette fin d’année, le refus de l’enfermement entre dans une phase offensive.
P Dans la nuit du 12 au 13 novembre 1979, la porte de la maison d’arrêt de Tarbes vole en éclats sous l’effet d’une forte charge explosive. L’action est revendiquée par les « Enragés Internationalistes ». « Nous avons fait cette action à l’occasion du procès du Groupe Autonome Libertaire à Madrid, pour demander la fin du système des prisons dans le monde entier ».
P Dans la même nuit, à Paris, une explosion secouait le tribunal de police, rue Feyrus.
A Perpignan, c’est la porte de la maison d’arrêt qui est fortement endommagée par une charge explosive. Ces actions sont revendiquées par les « Enragés Internationalistes ».
P 13.3.1980. Une violente explosion endommage les locaux du Centre de formation de l’administration pénitentiaire à Paris. Un groupe intitulé « Les Combattants pour la Révolution » explique « vouloir démontrer que la réinsertion-alibi du pouvoir est une farce grossière (…). Educateurs et matons, juges et avocats doivent s’engager vis-à-vis de nous qui voulons la destruction pure et simple des prisons (…). Nous sommes effectivement solidaires de tous les prisonniers politiques reconnus comme tels ou pas, de tous ceux que la révolte conduit en prison ou qui apprennent la révolte à l’intérieur des prisons, plus particulièrement dans les Q.H.S… ».
P 26.5.1980. Une charge explosive provoque de gros dégâts au palais de justice de Tours. Signé « crève sa lop », un texte explique que « le palé de justis é, en éfé, le sinbol de l’oprésion spéctaculer ki regn den cet vil : lé milis (privé, municipal, otodéfens, polis et otr flic) armé son partout den le centr vil (lieu de concentracion de la marchandiz). Cela atro duré : notre prochène cibl sera un milicien… ». P 25.5.1981. A Toulouse, vers 14 heures, une trentaine de personnes interviennent devant la maison d’arrêt Saint-Michel. Jour de parloir, mais aussi jour de l’investiture de Mitterrand. Bombages sur les murs de la prison : « Ouvrons les prisons », « Amnistie totale ». Un tract « Appel à l’amnistie générale » est diffusé ; son contenu est le suivant : « La droite s’en va, ladite gauche arrive. Changement de décor nous promet-on. Nous exigeons donc des nouveaux pouvoirs en place, dans un but d’apaisement, une amnistie totale de tous les prisonniers sans distinction. Nous reconnaissons à tous leurs droits à l’opposition contre l’ordre social passé, sans quoi il n’est point de “crédibilité” pour le nouveau régime ». P 14.6.1981. A Paris, occupation du journal « Le matin de Paris » par une cinquantaine de personnes. Ils réclament « une amnistie totale de tous les détenus politiques relevant ou non de la cour de sûreté de l’Etat ». P 19.6.1981. A Toulouse, une quarantaine de personnes du collectif « Pour une amnistie sans précédent » occupent le siège de la section du Parti Socialiste. Dans un tract, les occupants expliquent : « …Le projet d’amnistie actuel n’intéresse que 8 % des prisonniers… Les 42 000 détenus des prisons françaises (dont 90 % sont issus des classes défavorisées) enfermés par l’ancien régime veulent bien partager l’espoir au présent… Nous n’avons rien à négocier avec le nouveau pouvoir en place, nous exigeons l’amnistie totale de tous les prisonniers sans distinction ».
P Fin juin 1981. A Perpignan, dans la nuit de la Saint-Jean, un feu d’artifice est tiré devant le palais de justice. « Le Collectif Libertaire pour l’Amnistie » revendique l’intervention et « …s’interroge plus particulièrement sur le devenir des prisonniers dits “communs”, ces éternels oubliés. Que représente pour eux l’espoir au présent ? ».
P 7.7.1981. A Perpignan, un tract est diffusé à des milliers d’exemplaires signé par la Fédération catalane du Parti socialiste dont une partie du contenu est le suivant : « le pouvoir exercé par la droite s’était signalé par une aggravation de la répression qui a conduit à une augmentation sans précédent du nombre des emprisonnés (de 28 000 à 42 000 en 7 ans)…Pour notre part, nous nous prononçons pour une amnistie générale des prisonniers : il serait intolérable que des dizaines de milliers de personnes soient exclues de l’immense vague d’espoir du 10 mai, confirmée le 21 juin ». Quelques jours plus tard, la Fédération catalane du PS déposera plainte contre X, pour faux et usage de faux. Elle accusera une certaine droite locale d’être à l’origine de ce faux.
P 9.7.1981. A Toulouse, le « Collectif pour la destruction des prisons » revendique l’enlèvement du buste de Jean Jaurès de sa stèle, square du Capitole. Dans un texte accompagné d’une photo, envoyé à différents médias, les « amis » de Jeannot s’expriment ainsi : « communiqué n° 1, mardi 7 juillet… Sous bonne escorte il a pris pension à la maison et immédiatement s’est mis en grève de la faim en solidarité avec les détenus en lutte. N’ayant rien lu dans son quotidien favori sur le mouvement et sa répression… exige la publication des revendications des prisonniers, l’arrêt des brimades, tabassages et transferts. La destruction immédiate des QHS (quartier de haute sécurité) ».