Lidée du journal
LEnvolée est née de la constatation des manques inhérents
à une diffusion trop limitée de lémission de
radio du vendredi sur FPP (106.3, de 19 heures à 20 h 30). Des
potes sortants, comme Roger par exemple, lont confirmé :
« Quand on est dans des taules parisiennes, on écoute LEnvolée,
mais dès quon est transféré en Province, et
cest souvent le cas, on décroche un peu. On a bien sûr
quelques nouvelles mais ce nest plus pareil. »
Les quelques personnes qui étaient à lorigine de cette
émission de radio nont absolument pas comme ambition de faire
de ce journal leur propriété ou leur terrain de chasse gardée.
Le pari délargir les contacts, même sil nest
pas encore satisfaisant, est en partie tenu : nous avons tiré le
journal à 1200 exemplaires et en un mois il a été
pratiquement épuisé. Plus de 200 sont rentrés dans
des taules. Nous sommes loin davoir adressé au moins un exemplaire
dans chacun des 180 centres pénitentiaires en France, mais il circule
dans la quasi-totalité des centrales, dans quelques CD et dans
pas mal de maisons darrêt de grandes villes. Les demandes
dabonnements de lintérieur sont révélatrices
: elles vont en saccroissant et nous permettent de penser que ce
mouvement continuera dans le même sens avec les prochains numéros.
Lobjectif à court terme serait un journal par cour de promenade
de chaque prison
Patience.
La distribution à lextérieur, en direction de collectifs
de lutte (Dijon, Chalon, Clermont, Marseille, Toulouse, Lille, Bordeaux
)
et de familles et amis de prisonniers suit son petit bonhomme de chemin.
Ceci est notre part de travail : nous continuerons à envoyer, à
apporter le journal et à en discuter un peu partout. Les liens
se précisent lentement mais sûrement. En revanche, pour ce
qui est de lintérieur, nous ne pouvons compter que sur les
échanges, les courriers, quelques parloirs, les discussions provoquées
par les rencontres, les mouvements, les transferts de prisonniers. De
ce côté aussi, le premier numéro a joué son
rôle puisque nous recevons beaucoup plus de courriers de toute origine
depuis sa parution que lorsque nous ne disposions que de lémission
de radio.
Pourtant, en cas de mouvements, démeutes, etc., qui demandent
des réactions quasi immédiates, le journal ne peut assurer,
sauf cas exceptionnels, le rôle de coordinateur. La parution mensuelle
représente un travail relativement considérable et il nest
absolument pas envisageable daccélérer sa fréquence,
cest pourquoi la radio revient cette fois-ci comme un supplément
du journal. Nous allons désormais créer le plus de relations
possible entre les différentes émissions dirigées
vers les taulards un peu partout dans lHexagone. En plus de coordonner
des forces souvent dispersées, cela nous permettra de rendre compte
assez rapidement de limportance, de la gravité dévénements
comme ceux qui se sont déroulés dans la prison de Grasse
par exemple. Seule une liaison permanente et organisée entre toutes
les émissions existantes pourrait donner le jour à une circulation
à la fois authentique et efficace des témoignages de lintérieur
et des proches.
Il reste donc du pain sur la planche, un peu pour tout le monde, dedans
comme dehors. En réussissant, nous serions à même
dassurer une coordination doutils dinformation, de réflexion,
de résistance, capable de se passer des putasseries médiatiques
dont nous sommes à lheure actuelle, hélas ! encore
bien dépendants.
Nous lavons déjà dit, nous le répétons
à chaque émission, ce canard est dabord celui des
taulards, celui de ceux qui sont rendus muets par une logique dexclusion
poussée à lextrême. Cette exigence est tenue
par les deux premiers numéros, largement constitués de textes,
de dessins, de courriers de lintérieur. Mais il en faut plus
encore ; cest pourquoi nous essaierons, pour faciliter les échanges,
de proposer quelques thèmes qui sont aujourdhui les plus
cruciaux, comme la longueur des peines, les projets des nouvelles prisons
QHS, la pénalisation à outrance de tout acte non conforme
à la stricte légalité
Nous souhaitons aussi que la conception, la fabrication, la diffusion
du journal soient partagées par un plus grand nombre de complices.
Il ne sagit pas pour autant de faire un pot-pourri décrits
divers, mais de profiter de cet outil pour multiplier les rencontres,
les discussions critiques, condition sine qua non pour sortir la tête
de ce marais consensuel qui nous attire insidieusement dans un flou de
pensée et dans une absence de pratiques résistantes. Nous
proposons donc aux différents groupes et individus intéressés
par le projet dy participer activement.
La critique la plus courante faite au premier numéro est labsence
de comparaison entre les enfermements intérieur et extérieur.
Elle nous semble juste. La prison nest certes pas un au-delà
du monde du dehors, du monde dêtres soi-disant libres : la
prison, cest le mitard de la société. Lenfermement
est lun des pans, même sil est le plus terrible, de
lordre social et économique. Tout acte de résistance
à ce monde ramène systématiquement à la prison
et doit donc contenir sa critique radicale ; inversement, on ne peut envisager
une critique de la prison sans remettre en question la globalité
du monde qui y conduit. Il nous faut remarquer, analyser, fabriquer, des
complicités avec tous ceux qui contestent véritablement
lordre établi, quils soient enfermés ou non.
De la même façon que tout combat qui ne conçoit pas
son rapport avec dautres foyers de contestation court à sa
mort, envisager la prison comme un domaine séparé des causes
de son existence ne conduirait quà la faire perdurer. Nous
consacrerons quelques pages du journal à des mouvements, des rencontres,
des actes séditieux qui nous paraissent dignes dêtre
mis en avant.
Nous avons choisi de privilégier le thème des longues peines
pour les numéros de septembre et octobre : nous voulons dire haut
et fort que labolition de la peine de mort nest quun
leurre qui permet denfermer jusquà la mort de plus
en plus de personnes et ceci en toute bonne conscience. être enterré
vivant par des condamnations de plus en plus lourdes et systématiques
semble de nos jours plus acceptable que le couperet dhier.
Entre 1978 et 1998, les peines de cinq ans ont augmenté de 1 020%,
les condamnations de plus de dix ans de 233% et les perpétuités
de 100%. Ceci sexplique, entre autres, par la quasi-disparition
des libérations conditionnelles, par la création des peines
de sûreté et par la criminalisation croissante de tout acte,
comportement délictueux (création de nouveaux délits
et transformation de délits en crimes).
A partir du 6 octobre, la prétendue abolition de la peine de mort
va être célébrée et nous ferons tout pour gâcher
cette fête macabre. Des prisonniers de la centrale dArles
nous avaient fait parvenir une affiche (« La guillotine ne laisse
aucune chance, la prison non plus ») que nous diffusons sur papier
et T-shirt, dedans et dehors. Nous profiterons de cette commémoration
pour répercuter les luttes des enfermés, pour dénoncer
les mensonges médiatiques et politiques qui, sous couvert dhumanitarisme,
cachent mal une logique de plus en plus répressive à lencontre
de ceux qui refusent de baisser la tête et de demander pardon aux
bourreaux. Nous espérons bien que tous les contacts tissés
entre les collectifs, les radios, les particuliers, les familles de prisonniers
serviront à donner le plus dampleur possible à ces
initiatives.
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