Lisolement incite
à la réflexion.
Avant mon incarcération, le mot « suicide » ne mavait
jamais effleuré lesprit. Bien au contraire, la vie était
(et est) pour moi quelque chose à croquer à pleines dents.
Ce nest quen arrivant à Fresnes que ce mot mest
apparu comme une sortie de secours qui signifie pour moi « exit
et liberté ».
Et ouais, on a eu le droit au régime de faveur traditionnel de
la garde à vue, de la détention provisoire (soi-disant car,
pour eux, on est déjà condamné), du jugement et certains
détenu(e)s sont toujours en attente.
Mais, il faut se dire que tout a une fin alors pourquoi se donner une
fin aussi horrible.
Cest vrai que pour une première incarcération, le
choc est plus dur à encaisser. Je me souviens de mon arrivée
; dès quon ma donné mon fameux paquetage, on
ma escortée jusquà ma « splendide demeure
» et là, la porte sest refermée derrière
moi, la première chose qui ma traversé lesprit
était que : « Je nouvrirai plus jamais cette porte,
cest eux qui ont la clef ». Et la deuxième chose qui
ma traversé lesprit était le suicide.
Et oui, jai pensé au suicide fortement, il résonnait
dans ma tête.
Mais, je nai pas été la seule à y penser car
dautre détenu(e)s y ont pensé mais eux ont été
jusquau bout. Etait-ce la seule solution ?!? telle est la question
!
Le suicide est un acte de courage, de dire, de crier que lon en
a marre dêtre traité ainsi comme des animaux sauvages
en cage.
Par ce geste, il ne faut pas oublier la souffrance de notre famille et
la jouissance de la justice. La justice se dira quelle avait raison,
que la personne était coupable et ça jamais. Ils se permettent
de nous juger et de nous mettre en zonzon et à leurs yeux, et bien
oui, devinez ?
« On est des dangers pour la société, on nous catalogue
associable
»
Pourquoi tant de haine dans un monde aussi cruel ???
Mais où se trouve le juste dans cette justice injuste ???
Il ne faut pas oublier que lAdministration pénitentiaire
a sa part de responsabilité dans le suicide des détenu(e)s
car non seulement on se fait juger par nos juges, avocats et autre, mais
en plus les surveillantes se permettent de nous juger à leur tour,
pour qui se prennent-elles ?
Leur travail est de nous surveiller non de nous juger. Si cest le
cas, elles se sont trompées de métier.
Se trouver confronté au monde carcéral du jour au lendemain
est irréel, seuls ceux qui y sont confrontés peuvent le
comprendre. On croit que lon fait un cauchemar et quon va
se réveiller mais le problème cest que cest
la réalité.
Et ouais, la prison cest labsence, limpuissance, le
manque, léloignement, la « détresse ».
Et cest cette dernière qui peut engendrer le suicide.
De plus, ladministration tente de destructurer lindividu,
elle lui montre dans tous les sens du terme quà ses yeux,
il na pas le droit, pas le choix, il na pas le pouvoir de
décider, en fait, il doit obéir. Excusez-moi, mais on nest
pas vos chiens, OK !
On le crie haut et fort ! Il y a des choses inacceptables et intolérables.
On tombe dans la haine simple puis progressivement et sûrement dans
la haine de la société.
Où sont passées légalité et la fraternité
!
Je ne parle pas de la liberté car elle se trouve dans notre esprit
à tout un chacun.
En bref, on est là car la société ne veut plus de
nous pendant un « certain temps », bien sûr, mais ce
quils ne savent pas cest quavant de rentrer en prison
on était « innocent », mais en sortant, la prison aura
fait de nous des témoins, des victimes de cette société
carcérale soi-disant développée vue de lextérieur
mais terriblement arriérée vue de lintérieur.
Le temps fait réfléchir et moi jai le choix entre
deux chemins : soit le « suicide » ou bien me « battre
».
Jai choisi de me battre et jen suis fière.
Je remercie certaines détenues de Fresnes davoir été
et dêtre là (elles se reconnaîtront), avec qui
jai pu discuter de tout et de rien, qui mont remonté
le moral quand cela nallait pas bien, qui mont fait rire à
en pleurer, qui pendant quelques minutes mont fait oublier où
je me trouvais.
A toutes les détenues et tous les détenus, le suicide nest
pas une solution, profitez de la vie au maximum même en prison car
même incarcéré, on apprend énormément
sur soi, sur les autres et sur cette société avec sa justice
à moitié pourrie.
La vie nous expose à des situations difficiles quil convient
de régler alors courage car tout a une fin, tout passe, à
la fin, il ny a que la prison qui restera à sa place.
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