Monsieur
le procureur,
Des événements terribles se sont déroulés
à la maison centrale de Poissy dans la nuit du 31 décembre
2000 au 1er janvier 2001. Aux alentours de 0 h 50, le détenu MORITZ,
cellule 315, a été pris dune crise dangoisse.
Des cris ont suivi, montrant que le détenu avait perdu le contrôle
de lui-même. Ensuite, il a cassé des verres ou son miroir,
occasionnant un grand vacarme. Puis un grand bruit suivi de cris violents
de désespoir : il appelait à laide. A ce moment précis,
il est 1 h 20. En commençant par son voisin de cellule puis son
voisin du dessus, progressivement, quasiment tous les détenus se
sont mis à frapper avec violence dans les portes et à crier
aux fenêtres. Ceci dans le but dalerter les agents présents
dans les miradors, mais aussi les gens dans les immeubles den face.
Les cris dagonie du détenu MORITZ ont duré de très
longues minutes ; puis, plus rien
Bien entendu, les coups dans les
portes et les appels à laide aux miradors ont redoublé
dintensité. Chacun se doutant de la fatalité du silence
du détenu MORITZ. Les détenus nont cessé dappeler
de laide et de frapper dans les portes jusquà lintervention
du premier surveillant, qui est arrivé sur place à 1 h 22
très précisement. A la suite du vacarme provoqué
par les autres détenus, un ou plusieurs surveillants qui devaient
effectuer leur ronde ont constaté par lilleton que
le détenu MORITZ était déjà la proie des flammes.
Ces derniers nont pu intervernir car ils ne possédaient pas
la clef pour ouvrir la porte. Il a fallu attendre larrivée
du brigadier à 1 h 23.
Une fois la porte ouverte et les premiers coups dextincteur donnés,
un détenu dont la cellule se trouve en face de celle de MORITZ
a entendu le brigadier interdire à un surveillant, qui se proposait
dentrer dans la cellule de MORITZ pour lui porter un éventuel
secours, laccès à celle-ci ; se contentant seulement
dappeler MORITZ à deux reprises par son nom. Le tout suivi
de limpératif : « Sors, sors ! » !! Bien entendu,
le malheureux ne pouvait plus répondre.
Pendant ce temps, la fumée dégagée par le feu sest
évacuée vers la cellule du dessus. Ceci, Monsieur le procureur,
ce sont les faits vus et constatés par des détenus voisins
de la victime.
Des événements très présents chez chacun.
Des détenus encore plus proches auront, quant à eux, dautre
détails à fournir et se tiendront donc à la disposition
de la justice. Des plaintes seront déposées auprès
des services compétents pour « non-assistance à personne
en danger ».
A ces actes peuvent être ajoutés des mauvais traitements.
En effet, le détenu MORITZ, au moment des faits précités,
était en cellule de confinement. Cette mesure répressive
a été prise par la direction de létablissement
au cours dune procédure disciplinaire engagée contre
le détenu MORITZ. Ce dernier est passé au prétoire.
Le détenu MORITZ ne pouvait être mis au « mitard »
ou en cellule disciplinaire car son état psychologique ne le permettait
pas. Conscient de la fragilité du détenu, la direction de
létablissement décide dune mesure de confinement,
le tout pendant les fêtes de fin dannée. Le détenu
MORITZ, fragilisé par lenfermement, isolé par le confinement,
na cessé dappeler à laide. Devant lindifférence
générale de lAdministration pénitentiaire,
de la direction de létablissement, des services sociaux et
médicaux, le détenu MORITZ est à ce jour mort.
Si nous parlons de mauvais traitements, cest que le détenu
MORITZ na jamais été perçu par tous ces services
comme un homme ni traité en conséquence, mais plutôt
comme un détenu systématiquement puni et humilié.
A lindifférence sajoute lincompétence
des surveillants et cadres présents au moment de la catastrophe.
En effet, outre les temps dintervention extrêmement longs,
ne laissant aucune chance au détenu MORITZ, les surveillants ont
totalement paniqué. Panique elle-même révélatrice
de personnes non formées au sauvetage dêtres humains
en danger. Des exercices contre le feu ne sont jamais effectués.
Les dispositifs anti-incendie dalerte et de lutte sont inexistants
ou inaccessibles rapidement. Personne ne sait qui prévenir, personne
ne sait où se trouve la clef pour accéder au dispositif
anti-incendie et personne ne sait où se trouve la clef pour ouvrir
les cellules. Les erreurs répétées, lincompétence,
la panique et la négligence ont une fois de plus tué un
homme. Le manque dhumanité dont ont fait preuve les surveillants,
à travers leurs actes et leurs propos, seront abordés dans
les plaintes déposées par des détenus présents
ou proches de la cellule du détenu MORITZ. Les détails à
vif dans tout les espris seront autant de preuves pour servir la vérité,
dautant plus terrible quun homme est mort alors que tous connaissaient
létat de fragilité du détenu MORITZ.
Fragile, ne supportant pas lenfermement, le détenu MORITZ
a sans arrêt appelé à laide. Sur place, il aurait
pu être pris en charge par un personnel compétent. Paradoxalement,
les personnels de la maison centrale de Poissy, censés protéger
les individus faibles, se sont acharnés par des mesures disciplinaires
inadaptées, arbitraires et inhumaines, sur le détenu MORITZ,
se transformant donc en bourreaux. Loin de tout regret, lAdministration
na voulu évoquer que sa non-responsabilité dans les
faits.
Pour toutes ces raisons, Monsieur le procureur, nous portons à
votre attention les faits tels quils se sont déroulés,
dans la nuit du réveillon, nuit du 31 décembre 2000 au 1er
janvier 2001. Nul doute que lAdministration pénitentiaire
cherchera à se disculper ; il nen reste pas moins quelle
est responsable de négligences maintes fois répétées.
Dautre part, très peu de voisins voire aucun
ont fait lobjet dune visite médicale. Aucun détenu
na été évacué en raison des risques
encourus (le feu aurait pu se propager dans le reste du bâtiment).
Des fumées toxiques ont envahi certaines cellules sans que loccupant
soit évacué. Le détenu au-dessus de la cellule 315
a failli sétouffer à cause des fumées dégagées.
On ne lui a ouvert la porte quaprès 1 h 30. Aucune information
nexiste sur les mesures à prendre en cas dincendie,
aucune note na été distribuée aux détenus
sur les conditions éventuelles dévacuation. Les matériels
de lutte étaient trop difficilement accessibles. Laccident
de cette nuit aurait pu être fatal à plusieurs autres personnes
(le feu est un élément échappant à tout contrôle).
Nous souhaitons donc, Monsieur le procureur, votre intervention afin que
la seule vérité persiste. Des exemplaires de cette lettre
seront adressés aux hautes instances de la République, dont
vous, Monsieur le procureur, aux médias, aux avocats. Des plaintes
seront déposées auprès des services compétents
par des détenus. La famille de la victime sera également
informée. Tout ceci, Monsieur le procureur, dans un souci de vérité
et de respect des droits de lhomme, mais également afin déviter
que de telles négligences ne se répétent plus jamais.
Recevez, Monsieur le procureur, lexpression de nos sentiments les
meilleurs.
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