Il
avait la quarantaine. Il
était en prison depuis cinq ans. Les miradors
et les hauts murs dÕenceinte devaient, quelques ann
ées encore, tre le
d
écor de son quotidien.
Philippe
était un d
étenu parmi dÕautres. En avril 2000, il ressent les
premiers signes dÕune maladie dont il nÕimagine pas quÕelle le conduira
vivre un v
éritable calvaire. Le mal court, la douleur de plus en plus
pr
ésente, jusquÕ ne plus pouvoir lui permettre de manger. Sa gorge se
transforme inexorablement en antre infernale. Mais le m
édecin de la prison
o se trouve incarc
ér
é Philippe ne voit rien, ne d
écle rien, ne fait
aucun diagnostic, nÕapporte aucune explicationÉ Rien. La direction de
la prison, alert
ée plusieurs reprises, ne r
éagira pas. Et le mal qui
gagne du terrain. Dans la cellule, seul, Philippe se fait d
évorer de lÕint
érieur.
Puis, lÕ
évidence qui finit par sÕimposer. Le cancer est l. Hospitalisation
(septembre 2000). CÕest lÕablation totale du larynx.
Philippe, enchan
é sur son lit dÕhpital, communiquait avec lÕaide dÕune
ardoise. Il
écrivait d
éfaut de pouvoir parler. Son regard exprimait
toute sa r
évolte et sa d
étresse. Celle dÕun jeune homme sacrifi
é, qui
a eu le malheur de rencontrer sur son chemin un m
édecin qui nÕa pas vu
en lui un patient n
écessitant des soins, mais un d
étenu, un taulard. Nous
avions cru que a en
était fini avec la m
édecine p
énitentiaire que certains
appelaient la Ē m
édecine de sous-hommes Č, avant que nÕentre en application
la nouvelle loi de 1994. Il nÕen est rien. Dans les murs de nos prisons
continuent s
évir des hommes aux mentalit
és et aux pratiques monstrueuses.
Mais lÕablation totale du larynx ne suffit pas. A lÕhorreur dÕune terrible
amputation sÕajoutent de multiples marques de mesquinerie, provocation
et autres lamentables et abjects faits commis par des fonctionnaires de
police charg
és de sa surveillance en milieu hospitalier.
Philippe passera ainsi une nuit IÕhpital, tout habill
é, car lÕescorte
refuse de lui ter les entraves pour quÕil puisse enlever son jeans. Escorte
qui se permettra de lire son dossier m
édical, violant de la sorte le secret
m
édical. Un membre de lÕescorte est avec Philippe lorsque ce dernier est
aux waters. LÕalimentation (R
énutryl), confi
ée un jour lÕescorte par
une infirmire, ne lui sera pas transmise. Sa compagne se doit mme dÕaller
dans une pharmacie pour acheter un produit qui permettra Philippe de
pr
éserver ses dents contre les cons
équences des radioth
érapies, lÕhpital
ne fournissant pas ce produit non rembours
é. (Que fait un d
étenu non assist
é
de sa famille ou sans argent ?) Philippe retournera au centre p
énitentiaire
de Perpignan. Il nÕen sortira plus que pour des sc
éances de radioth
érapie.
Ds son retour, lÕAdministration p
énitentiaire a essay
é de le mettre en
quartier dÕisolement. Puis le voil mis en d
étention normale. Partageant
une cellule avec un cod
étenu. Un cod
étenu fumeur. Faut-il en rire, faut-il
en pleurer ? Il a protest
é avec son restant dÕ
énergie. Il a obtenu gain
de cause.
Philippe
était donc entr
é en prison en bonne sant
é. Pour y purger une
peine laquelle il avait
ét
é condamn
é.
Le 2 juillet 2001, Philippe est mort. Qui en est responsable
? Qui en est coupable ?
Accorder
une grce m
édicale aurait
ét
é le minimum quÕaurait d faire lÕEtat lÕ
égard
de cet homme victime dÕune teIle monstruosit
é.
Š Nous accusons le m
édecin de la maison dÕarrt de Perpignan, M. GALY,
de n
égligence assassine. Ce m
édecin nÕa pas consid
ér
é notre pote Philippe
comme un patient mais comme un tre de seconde zone, un prisonnier.
Š Nous accusons la direction de la maison dÕarrt de Perpignan de nÕavoir
pas pris conscience temps de la gravit
é de lÕ
état de sant
é de Philippe
CAPERA, et de lÕavoir ainsi maintenu dans des conditions de d
étention
acc
él
érant le processus devant le mener la mort.
Š Nous accusons le pouvoir administratif et politique franais de ne pas
tenir compte des demandes de grces m
édicales faites pour les d
étenus
ayant des maladies incurables ou des maladies pour lesquelles la qualit
é
et lÕefficacit
é des soins sont nulles cause des effets pathognes de
lÕincarc
ération.
Nous tenons ici nous solidariser avec Florence, la compagne de Philippe,
ainsi qu'avec l'ensemble de sa famille plong
ée dans un deuil si cruel.
Nous exigeons que les responsables de cette tragique et scandaleuse affaire
soient clairement d
ésign
és, et que les fautifs soient
écart
és des postes
de responsabilit
é qui sont les leurs.
Pour quÕ la mort de Philippe ne sÕajoutent pas lÕindiff
érence et le silence
complice, et que de pareilles situations ne se reproduisent plus dans
les prisons franaises, nous r
éaffirmons notre volont
é de voir inscrite
dans la nouvelle loi p
énitentiaire la fin du maintien en d
étention des
personnes atteintes de maladies graves. Mus par le souvenir fraternel
de Philippe CAPERA, et de tous les d
étenu(e)s mort(e)s en prison, nous
crions notre colre et notre r
évolte car, en France, la peine de mort
existe toujours.
Nota : Ē Les d
étenus ont d
ésormais droit une qualit
é et une continuit
é
de soins
équivalentes celles offertes lÕensemble de la population.
Č Circulaire du 8 d
écembre 1994.
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