SOMMAIRE
ENVOLÉE n°2
-septembre 2001-

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PHILIPPE CAPERA EST MORT !
Du collectif des détenus des maisons centrales de Lannemezan et d’Arles ; juillet 2001.

ÉDITO

Maison d’arrêt de grasse, 28/07/01 : Mort avant son suicide ?

VOYAGE À VALLORIS.


LE RÉCIT DES FAMILLES
Récit de la mort suspecte de Ralph Hamouda et du mouvement de protestation des détenus ;

COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Du Collectif de Défense des Familles et des Proches de personnes Incarcérées.

LETTRE OUVERTE.
adressée aux directeurs des maisons d’arrêt de Grasse et des Baumettes, au maire de grasse et au ministère de la justice.

Etat de grasse

DEPUIS CLAIRVEAUX…
A Madame martine Viallet, directrice de L’administration pénitentiaire.

Á MADAME JACOB, JUGE D'APPLICATION DES PEINE…
Courrier de ROUABAH Asseine du CP de Clairveaux…

DEPUIS LUYNES…
D'Yves Perrat

QUI VEUT LA PEAU D'ABDELHAMID HAKKAR ?
Ou l’autopsie (judiciaire et étatique) d’un être vivant.

Lettre ouverte de M. Hakkar à M. Canivet, président de la chambre criminelle de la cour de cassation.

DES FRAGMENTS DE POSSIBLE…
Gênes, Juillet 2001…récit des manifestations en opposition au sommet du G8.

Mutilation Ordinaire…
Communiqué des prisonniers de la centrale d’Arles, août 2001.

Regard de femmes, poème de Duszka.

DE LA PEINE DE MORT AUX PEINES JUSQU'À LA MORT.
Octobre 2001

Debout. Poème de David.

La liberté sans condition. De Lobo.

Les peines auto-gérées ? De Jean-Pierre.

Suicide
La prison est un lieu mortifère où le suicide est tres présent : Douze fois plus qu’à l’extérieur pour l’année 2000.

J’ai choisis de me battre… De Sonia.

Les assassines négligences. Des détenus de la centrale de Poissy.

Mort suspecte
« le suicide ne peut pas être le fait d’une espérance, il est le résultat des pressions subies au quotidien sans possibilité de se défendre…

OBJET: Convocation d’un détenu.
Par le Tribunal de Grande Instance deVersailles.

Le suicide à l’ombre. D'Audrey, Fresnes, Mai 2001.

Les Mots : des munitions.
Des nouvelles de Fresnes…

JURISPRUDENCE : pour faire le joint sur les grâces présidentielles…

C’est arrivé près de chez vous...Un cas mortel de probabilité

ABC Dijon

Contact du collectif prison de Clermont-Ferrand

Petites annonces.

Extraits de lettres .

Grèves de la faim contre l’isolement en Turquie

Texte du collectif anti-explulsion.

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Depuis Luynes

Yves Perrat écrou 121793J
Bât B 3e cell 30 80
MA des Baumettes, 2/3 chemin de Morgiou,
13009 Marseille.


Il y a peu, je me trouvais à la MA de Luynes dans le cadre de mon passage en appel. Celui-ci a été très rapide, trente secondes montre en main, le temps de confirmer mon renoncement à celui-ci, (c’était plus prudent vu le président auquel j’avais affaire, bien connu par les détenus pour alourdir de un à deux ans selon les cas, les peines avec lesquelles on se présente devant lui) et de m’apercevoir que le président Trille mérite bien son surnom de TGV. Ces quinze jours à Luynes furent pour moi l’occasion de comparer deux établissements et deux formes de gestion différentes. En effet, Luynes est une de ces prisons-usines du plan 13 000, ouvertes au début des années 90. Au niveau des conditions matérielles, elle est plus propre que les Baumettes, les cellules sont pourvues en eau chaude et les chiottes ont une porte. Pour le reste, les relations avec les surveillants sont réduites au minimum, tout est automatisé et se gère à partir d’un point central : ouverture des portes des couloirs, appels…

Partout des caméras. Les promenades ne sont que de deux heures au lieu de trois aux Baumettes et la cour est divisée en deux par un grillage. La population carcérale est très mélangée : on retrouve côte à côte délinquants sexuels de tous les âges et maris meurtriers de leur femme ou de l’amant de celle-ci, petits dealers de shit et gros truands, chefs d’entreprises véreux et voleurs de poules. Ce mélange empêche toute solidarité concrète, hormis celle d’intêret. J’en ai eu une preuve flagrante le lendemain de la grève nationale des gardiens, où l’on est resté enfermé toute la journée, sans bouffe, sans promenade ni parloir. Histoire de marquer notre désapprobation j’avais proposé un blocage de promenade à la remontée. J’ai vite compris qu’il ne fallait rien attendre de l’ensemble de la détention puisque nous nous sommes retrouvés trois à refuser de monter. Nous n’avons pas insisté car dans beaucoup de ces MA, l’AP joue la division en mélangeant tout le monde. A Luynes, les « pointeurs » servent de défouloir à l’ensemble de la détention tandis que le shit qui circule ouvertement joue son rôle de camisole – ainsi que la télé. Il est vrai qu’un détenu défoncé n’est pas un détenu revendicatif. La particularité, donc, de Luynes est d’être gérée, hormis la surveillance et le greffe, par le privé à tous les niveaux, que se soit le nettoyage (Onet), la bouffe (Eurert), la cantine et jusqu’au médical qui est à la charge du libéral, avec les résultats que l’on connaît. Ainsi il y a deux ou trois mois un détenu est mort au QI après une absorption de médocs, le médecin ayant certifié que son état était compatible avec la détention en isolement. Le psy et l’infirmière principale venaient d’être quant à eux condamnés à six mois de prison avec sursis, leur responsabilité étant engagée dans la mort d’un détenu d’origine comorienne lors d’une crise d’épilepsie, seul dans sa cellule. J’oubliais. L’affaire s’est déroulée en 91, il a fallu dix ans de procédure pour arriver à ce résultat ! et là encore la responsabilité de l’AP n’est pas évoquée. Outre le nettoyage et la bouffe, il y a aussi possibilité de travailler pour ceux qui le veulent dans des ateliers – pour des boîtes privées à des salaires de misères. Aux alentours de 2 000 balles par mois pour trente-cinq heures par semaine.

Un des gars qui y travaillait m’a expliqué que son boulot consistait à enlever les étiquettes « made in Taiwan » des tee-shirts et de les remplacer par des étiquettes « made in France ». Pour certaines entreprises, les prisonniers sont une main-d’œuvre taillable et corvéable à merci, ou au mieux des consommateurs « libres » de pouvoir s’offrir tous les produits qu’ils veulent s’ils en ont les moyens. Une de ces boîtes est la Sodexho, qui investit au USA, en Angleterre et en Australie. Il y a quelques années son PDG était un des principaux financiers du MPF de Philippe De Villiers, alliant ainsi sa vision politique à celle de son business. On assiste ainsi dans ce type d’établissement au développement d’une prison à trois vitesses avec, au sommet, ceux qui peuvent s’offrir tout se qu’ils veulent grâce à leurs mandats conséquents, en dessous, ceux qui sont obligés de travailler pour se payer le juste nécessaire et enfin, plus bas encore, ceux qui n’ont rien et qui survivent en faisant du business de shit ou en rackettant les plus faibles (pointeurs, minots isolés et vieux). Bref on retrouve à l’intérieur cette pyramide, symbole de notre belle société à l’extérieur. Beaucoup de jeunes sont enfermés à Luynes. Tellement qu’un bâtiment (le A) leur est spécialement réservé. C’est le plus dur de toute la détention. Les surveillants qui y travaillent sont volontaires, et la manière forte y prédomine. Cela n’empêche pas certains minots de penser à la belle. Il y a deux ou trois mois certains ont réussi à se laisser enfermer au gymnase et à écarter les barreaux avec des barres d’haltères pour se retrouver à l’extérieur, et se balader dans la prison. Ils ont ainsi déclenché les alarmes volumétriques dans toute la prison, ce qui a nécessité l’intervention de plusieurs BAC d’Aix-en-Provence. En effet, la nuit, il n’y a que quatre gardiens dans la détention du fait de l’automatisation. J’ai quand même réussi à discuter deux minutes avec le sénateur du PC Robert Bret, qui accompagnait la délégation, car membre de la commission d’enquête parlementaire sur les prisons et qui fut un de mes témoins lors de notre procès (FTP). J’ai pu lui passer une lettre pour le directeur des Baumettes, concernant un détenu politique kurde en grève de la faim depuis quarante-cinq jours. Pour ma part, la mienne s’achève bientôt (trois semaines). Les deux premières s’inscrivent dans le cadre de la campagne de solidarité avec les grévistes de la faim turques et kurdes, menée par plusieurs détenus PP et sociaux en France, la dernière étant en solidarité avec le détenu kurde des Baumettes. Dans sa dernière lettre celui-ci m’écrivait sa faiblesse mais aussi sa détermination à aller jusqu’au bout. Voilà les dernières infos de la détention. Au mois d’août, je passe devant la CAP pour une libération conditionnelle. Mais j’y vais sans illusion. Le chef de détention du bâtiment B m’a confirmé que je ne l’obtiendrai pas. J’attends donc mon transfert pour Chalon autre prison 13 000, pour septembre. D’ici là je pense que j’aurai l’occasion de vous écrire.

Yves