La chambre daccusation
de la cour dappel de Montpellier a donné raison le 19/10/2000
à M. Yves Bidault, détenu au CD de Mauzac, qui demandait
à être admis au bénéfice de trois décrets
de grâce collective que lui avait refusés lAP. Celle-ci
fondait son refus sur les circulaires dapplication des décrets
de grâce, prévoyant notamment que les personnes purgeant
ou ayant purgé une peine pour infraction à la législation
ne peuvent bénéficier de grâces. La chambre daccusation
estime ces circulaires illégales car les décrets de grâce
visent clairement les détenus en train de purger une peine pour
infraction à la législation sur les stupéfiants et,
en aucun cas, ceux qui ont intégralement purgé cette peine
et sont toujours détenus pour un autre motif. Les circulaires administratives
« ne sauraient avoir un effet réglementaire contraire aux
décrets quelles interprètent », a rappelé
la cour dappel de Montpellier.
Le 20/06/2000, la Cour de cassation de Paris statuait sur le pourvoi formé
par le procureur général près la cour dappel
de Montpellier contre larrêt de la chambre daccusation
de ladite cour dappel en date du 19/10/2000, qui a admis Yves Bidault
au bénéfice des décrets de grâce collective
des 10 juillet 1998, 9 juillet 1999 et 16 décembre 1999. Nous reproduisons
ici la quasi-intégralité du texte de la Cour de cassation
afin quil puisse servir dans les meilleures conditions à
ceux qui en auront lusage :
« [
] En ce que larrêt attaqué a retenu
que les circulaires dapplication qui prévoient que, pour
les condamnés détenus, lexclusion au titre dune
condamnation pour les infractions visées aux décrets sétend
aux autres condamnations, même exécutées, portées
également à lécrou, ajoutent au texte de ces
décrets :
que la chambre daccusation a considéré quà
lévidence être détenu pour lexécution
dune peine entraînait logiquement que cette peine soit en
cours dexécution ou éventuellement à exécuter
dans lavenir si on est détenu pour autre cause et que cette
expression ne saurait être étendue au cas où la peine
a déjà été intégralement exécutée
au moment du décret de grâce ;
« alors que le choix opéré, dans les articles
2 des décrets concernés, dexclure de leurs champs
dapplication les condamnés détenus pour lexécution
dune ou plusieurs peines dont lune au moins a été
prononcée pour [
]» aurait dû conduire la chambre
daccusation à retenir linterprétation faite
dans les circulaires dapplication de ces décrets à
savoir que lexclusion au titre dune condamnation sétend
également aux autres condamnations portées à lécrou
à la date deffet de ces décrets, y compris lorsque
la peine exclue a déjà été purgée ;
quen effet lorsque plusieurs peines sont portées à
lécrou dun condamné, elles sexécutent,
sauf confusion accordée, nécessairement successivement ;
que, dès lors, faire dépendre le bénéfice
dun décret de grâce de laléa de leur date
dinscription à lécrou et, partant, de leur mise
à exécution, introduit une discrimination anormale entre
les condamnés détenus pour purger plusieurs peines dont
lune au moins entraîne lexclusion ;
quen ajoutant une distinction entre peine exécutée
et peine non exécutée, non prévue, la chambre daccusation
a violé larticle 2 des décrets des 10/07/1998, 09/07/1999
et 16/12/1999.
« Attendu quil résulte de larrêt attaqué
et des pièces de la procédure que Yves Bidault a été
placé en détention provisoire le 6/05/1994 à la suite
dune information ouverte notamment du chef de vol avec armes ; quil
a été condamné, pour ces faits, à dix ans
de réclusion criminelle par arrêt de la cour dassises
en date du 27/09/1997 ; que, par ailleurs, il a exécuté
du 15/10/1994 au 18/01/1995 une peine de quatre mois demprisonnement,
prononcée le 29/07/1994 par le tribunal correctionnel pour infraction
à la législation sur les stupéfiants ; que, par requêtes,
Yves Bidault a demandé à bénéficier des décrets
de grâce collective des 10/07/1998, 09/07/1999 et 16/12/1999, bénéfice
qui lui a été refusé par lAP ;
« Attendu que, pour faire droit à ces requêtes, la
chambre daccusation, statuant en matière dincident,
contentieux par laplication de larticle 710, alinéa
2, du Code de procédure pénale, énonce que les condamnations
pour infraction à la législation sur les stupéfiants
ont été exclus des grâces prévues par les décrets
susvisés et que, se fondant sur les circulaires dapplication
de ces décrets, prévoyant que, pour les condamnés
détenus, lexclusion au titre dune condamnation pour
certaines infractions sétend aux autres condamnations portées
également à lécrou au date des décrets,
lAP a refusé à Yves Bidault le bénéfice
de ces grâces ; quelle relève de ces circulaires qui
ne sauraient avoir un effet réglementaire contraire aux décrets
quelles interprètent, ajoutent à ceux-ci lesquels
mentionnent uniquement que sont exclus du bénéfice de larticle
premier les condamnés détenus pour lexécution
dune ou plusieurs peines dont lune au moins a été
prononcée pour, notamment, infraction à la législation
sur les stupéfiants ; quelle constate ainsi que la peine
pour détention de stupéfiants, infligée à
Yves Bidault, ayant été intégralement exécutée
le 18/01/1995, nétait pas, dès lors, une peine en
cours dexécution pouvant être retenue pour lexclure
du bénéfice des décrets de grâce collective
du 10/07/1998, 098/07/1999 et 16/12/1999 ;
« Attendu quen statuant ainsi la chambre daccusation
a donné une base légale à sa décision ; quen
effet les peines privatives de liberté sexécutant
successivement, celles afférantes aux condamnations visées
par larticle 2 des décrets précités de grâce
collective, nentraînent plus, une fois purgées, lexclusion
du bénéfice de larticle premier desdits décrets.
Doù il suit que le moyen doit être écarté
;
Et attendu que larrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi. [
] »
Cette jurisprudence concerne aussi tous les délits qui excluent
habituellement les condamnés des grâces présidentielles
: violences à agent ou dépositaire de lautorité
publique, etc.
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