histoires mexicaines

Cinq cents ans depuis la conquête, quatre-vingts depuis la Révolution, l’histoire des Indiens au Mexique est indissociable de celle d’une résistance séculaire à l’Etat qui les nie et à ses sbires qui les exploitent ou les liquident. La sale guerre qui les vise eux et tous les pauvres s’est intensifiée depuis 94, année de l’apparition publique de la guérilla zapatiste et de la signature du traité de libre commerce avec les Etats-Unis. Depuis 95 plus d’une dizaine de guérillas se sont fait connaître. Une des plus connues, l’EPR (armée populaire révolutionnaire), apparue dans l’Etat du Guerrero, s’est affrontée à plusieurs reprises aux militaires et paramilitaires.
Chaque jour davantage, les communautés, emboîtant le pas au mouvement zapatiste, s’organisent pour résister. En face, l’Etat utilise le spectre de la guérilla pour briser les récalcitrants. L’Etat de Oaxaca (où se situe le municipe de Loxicha) et celui du Guerrero (berceau de l’EPR), voisins du Chiapas, sont au premier rang de la répression. Les exemples qui suivent illustrent tout à la fois la résistance des communautés indiennes à la mainmise de l’Etat et de ses sbires sur leurs existences et la répression qu’ils subissent en retour.
Si parfois les réflexions collectives des Indiens ne semblent pas s’écarter radicalement du schéma que nous vantent nos « démocraties modèles », pour le moins suspectes, il convient de bien comprendre le cadre de leurs propositions : les communautés indiennes entretiennent encore de vrais rapports sociaux au sein des villages et entre les villages, leurs reflexions en découlent... Les règles qu’ils se donnent, règles orales, expression d'un consensus, tirent leur force du fait qu'elles font appel à la conscience collective de chaque membre de la communauté. Pas de fonctions immuables, pas de salaire mais des charges au service de cette dernière ; celui qui est choisi est révocable par l’assemblée à tout instant. A l'opposé de l'exaltation de l'individu propre à notre société, la reconnaissance de chacun se fonde sur le sentiment d'appartenance à un tout.
« Sur notre peau, nous avons la couleur de ceux qui nous ont donné la vie, de ceux qui nous ont mis au monde, dans nos cœurs nous transportons leurs paroles. Parole véritable, celle qui nous a donné la conscience, celle qui a formé nos cœurs, celle qui accompagne nos pas dans la montagne, celle qui nous apprend à écouter la plainte chantée par les nuages et les vents. Nous sommes la parole qui nous parle et nous apprend. Nous sommes respect. Nous sommes chant. Nous sommes musique et tissage. Nous sommes harmonie et couleur. Nous sommes le soin que nous nous sommes tous donné. Nous sommes le cœur avec lequel nous nous sommes pensés. Nous sommes histoire et culture. Nous sommes nos propres normes. La norme qui protège et surveille, celle qui prend soin et confirme, celle qui couvre et invite »
(Extrait du discours d’un représentant du Congrès national indigène devant le Congrès de l’Union, équivalent du Sénat, avril 2000.)
Eux-mêmes sont conscients que les systèmes qu’ils tentent de mettre en place sont loin d’être parfaits mais « celui qui veut marcher risque de trébucher, c’est l’expérience des erreurs qui permet d‘avancer », réplique le commissaire indien du Guerrero.