Loxicha

En septembre 1996, le municipe de Loxicha a été accusé par le gouvernement fédéral de l'Etat de Oaxaca et par l'Etat mexicain d'être un nid de guérilleros appartenant à l'EPR, guérilla apparue en 1996 dans le Guerrero, Etat voisin de celui de Oaxaca ; il y a eu environ 300 opérations militaires, près de 250 arrestations et plus de 250 ordres d'appréhension contre les hommes du municipe avant 1997.
En 1984, les habitants du municipe de Loxicha avaient réussi à virer les caciques (propriétaires terriens, esclavagistes) et à reprendre la mairie, en désignant eux-mêmes leurs représentants en dehors des partis politiques selon les us et coutumes. Vingt ans plus tard, les caciques éconduits et l'Etat ont enfin trouvé un prétexte pour se débarrasser des gêneurs et reprendre le pouvoir. L'ensemble de l'ancien bureau municipal a été emprisonné sur dénonciation d'appartenance à l'EPR. Dans la foulée, pratiquement tous les hommes du municipe ont été arrêtés ou poursuivis. Certains attendent toujours leur jugement, d'autres sont déjà condamnés à des peines allant jusqu'à trente ans de réclusion. Nombre ont été torturés, ceux qui ont réussi à éviter l'arrestation en s'enfuyant dans la montagne se cachent toujours. Malgré une loi d'amnistie partielle, 36 hommes du canton sont toujours emprisonnés.
Entre 1996 et 2001 les caciques, directement responsables de la répression, avaient repris possession de la mairie, avec l'aide du gouverneur de l'Etat. Fin 2001, l'élection d'un nouveau président municipal plus proche de la communauté a donné un instant l'espoir d'une détente. Son assassinat le 12 janvier dernier, sur ordre, semble-t-il, de l'ex-président, a déclenché une nouvelle vague de tension :
Les 6 pistoléros, anciens mouchards de 96, qui ont exécuté le président ont été enfermés avec les prisonniers de Loxicha qui craignent d'être assassinés à leur tour ; la police de l'Etat occupe le municipe et recherche d'ex-prisonniers, maintient d'autres ordres d'appréhension et oblige les hommes à se cacher. Les journaux locaux publient des listes de noms d'individus susceptibles d'appartenir à L'EPR.
L'histoire de Loxicha est loin d'être exceptionnelle au Mexique. Depuis longtemps, avec une grande lucidité et d'abord dans les Etats où il y avait le plus de corruption et de répression, les Indiens ont compris qu'ils ne devaient compter que sur eux-mêmes pour vivre sans être esclaves… L'autonomie qu'ils revendiquent, à l'opposé d'une autarcie, s'appuie sur un système d'échange et de réciprocité réglé par les us et coutumes. Règles orales, expression d'un consensus, contrôlées et évaluées par l'assemblée, elles tirent leur force du fait qu'elles font appel à la conscience collective de chaque membre de la communauté. A l'opposé de l'exaltation de l'individu propre à notre société, elle se fonde sur le sentiment d'appartenance à un tout qui englobe la terre, les oiseaux, les morts et les animaux.