De lEurope
La lutte contre la délinquance juvénile devient lune
des préoccupations majeures de tous les pays européens.
Le « jeune » est partout montré du doigt comme cause
principale dinsécurité. La stigmatisation de toutes
les violences par lensemble des médias a fini par créer
un sentiment dinsécurité omniprésent. LEtat
soctroie ainsi le monopole de la violence visible (policière,
judiciaire) et invisible (chômage, précarité). Le
moyen trouvé pour rassurer la populace est de proposer comme unique
alternative la construction dun citoyennisme qui ferait de chacun
de nous un individu à facettes de flic, de collabo, de délateur,
de pacifié.
En France, un ministre miraculé identifia cette jeunesse «
dangereuse » à des sauvageons. Les autres pays européens
sembleraient épouser une dérive sécuritaire similaire.
Les USA ont déjà pris deux décennies davance
en opérant des coupes de 41 % dans le budget consacré au
social durant les années 80 tout en augmentant pour la même
période de 95 % les subventions pour le carcéral.
Dans presque toute lEurope lâge de la majorité
pénale, à partir duquel les délinquants relèvent
du droit pénal commun, est fixé à 18 ans. En revanche
lâge de la responsabilité pénale, selon lequel
le mineur peut être considéré responsable de ses actes
et être soumis au droit pénal spécifique, varie en
fonction des pays. Pour certains, elle est absolue, comme en Angleterre,
en Espagne, au Portugal, au Pays-Bas, en Suisse, le mineur qui na
pas atteint cet age de responsabilité ne peut en aucun cas être
considéré comme pénalement responsable. Dans ces
pays lâge de la responsabilité pénale varie
: 7 ans pour la Suisse, 10 ans pour lAngleterre, 12 ans pour les
Pays-Bas et 16 ans en Espagne et au Portugal.
Dans les autres pays lâge de responsabilité pénale
est relatif : 13 ans en France, 14 ans en Allemagne et en Italie, 16 ans
en Belgique. Dans de nombreux pays des projets de loi visent à
rabaisser cet âge (12 ans en Allemagne et en Belgique, 14 ans en
Espagne). Seule la Suisse propose de le « relever » à
10 ans ! Au niveau européen la moyenne approximative se situerait
autour de 13 ans.
En matière de lutte contre la délinquance juvénile,
lAngleterre et les Pays-Bas ont déjà pris un ensemble
de mesures. LEspagne et la Suisse ont préparé des
projets de loi, tandis quen Allemagne et en Belgique les réformes
ne sont quenvisagées. Toutes ces réformes comportent
des points communs. De nouvelles sanctions sont développées,
la durée des procédures est raccourcie, les organismes à
caractère social sont sollicités car ils disposent de nombreux
moyens pour exercer un suivi rapproché des populations dites «
difficiles ». La loi anglaise et le projet de loi espagnol comportent
des dispositions sur la responsabilisation des parents (soit en leur imposant
des séminaires et un contrôle accru de leur progéniture,
soit en engageant leur responsabilité civile).
Le modèle de tolérance zéro importé des USA
est récupéré et adapté à la situation
européenne (rebaptisé « No more excuse » en
Angleterre) ; et cherche à accentuer tant la régulation
sociale que lEtat pénal. Les initiatives « sociales
» proposent la création demplois précaires orientés
vers la médiation sociale en milieu urbain, autre nom du flicage
généralisé dans tous les lieux publics, alors que
les fonds augmentent pour la construction de nouvelles prisons ou dautres
modes denfermement. Les sanctions à lencontre des mineurs,
quelles soient appelées éducatives ou disciplinaires,
visent partout à un contrôle renforcé (bracelet électronique,
contrôle de lobligation scolaire en Angleterre, couvre-feu),
à un enfermement qui cache sa nature (foyer, centre daccueil)
ou se dévoile (maison darrêt pour mineurs ou quartier
pour mineurs dans des prisons dadultes). Partout ce sont exclusivement
les quartiers populaires et leurs habitants qui sont visés par
ces nouvelles mesures (comme le couvre-feu instauré dans les quartiers
défavorisés de Nice, Orléans, Aulnay-sous-Bois).
Comme la dit un commissaire divisionnaire des RG dun des 26
départements classés « très sensibles »,
en mai 1999 : « Les gamins des cités ont réalisé
une vieille utopie gauchiste sans même sen rendre compte,
cest le tremblez bourgeois. »
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à la France.
Lidée denfermement et de punition appliquée
à lenfance ne date pas daujourdhui. Depuis plus
de deux siècles, lEtat et ses administrations tentaculaires
sont là pour peaufiner la légalisation dun tel acte.
Dune part en établissant les limites dun âge
dit « de raison » (appelé aussi « majorité
pénale » ou « notion de discernement ») afin
de développer tout un arsenal de systèmes juridico-répressifs,
dautre part en créant ses outils les mieux adaptés
aux tendances de lépoque pour enfermer et punir ces petites
graines de violence. Ainsi la création de maisons de correction
(Petite Roquette par exemple) ou de bagnes pour enfants (colonies pénitentiaires
et correctionnelles de Saint-Hilaire, Saint-Maurice ou Belle-Ile-en-Mer)
date du milieu du XIXe siècle ; elles auraient fait rougir de jalousie
ces beaux messieurs qui battent la campagne (voir lencart plus loin,
Kikadikoi). Remercions au passage ce cher M. Lombroso (encore lui), qui
dans son ouvrage LHomme criminel (1876) privilégia lidée
que le délinquant porte sa criminalité dans son patrimoine
génétique, doù sa théorie du criminel
né.
Mais revenons tout dabord à la pierre angulaire de la législation
pénale appliquée aux mineurs. Ainsi lordonnance du
2 février 1945 apparaît jusquà aujourdhui
comme « la Charte de lenfance délinquante » et
les spécialistes saccordent à dire quelle fait
« prédominer léducatif sur le répressif
». On verra plus loin les réalités de cette prédominance
et comment lidée tend à sinverser.
Cest à la même période que se créent
à la fois des tribunaux pour enfants (un ou plusieurs par département)
sous la tutelle dun juge particulier (juge pour enfants) ainsi quune
administration spécialisée qui deviendra plus tard la Direction
de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ).
Depuis quil existe une législation pénale particulière
aux mineurs, on considère comme mineur lindividu nétant
pas âgé, au moment de linfraction, de plus de 18 ans.
En dautres termes, au temps où la majorité civile
était fixée à 21 ans, la majorité pénale
était déjà à 18 ans ; il en va de même
depuis que la majorité civile est fixée à 18 ans
(1974).
Lordonnance du 2 février 1945 a supprimé la notion
de discernement (établie par le Code pénal de 1810) pour
tous les mineurs de moins de 18 ans. Selon une lecture erronée
de ce texte, et largement répandue, le mineur délinquant
serait irresponsable pénalement. En réalité, il peut
être poursuivi et jugé dès quil a atteint lage
de raison (fixé à 7 ans par la jurisprudence), condamné
à une peine demprisonnement dès lâge de
13 ans et même condamné à perpétuité
dès lâge de
16 ans. Lordonnance pose ainsi un principe de responsabilité
graduée et atténuée en fonction de lâge.
Elle distingue deux catégories de mineurs : les mineurs de moins
de 13 ans dune part et les mineurs de 13 à 18 ans dautre
part.
Les mineurs de moins de 13 ans peuvent être déclarés
coupables même si aucune peine ne peut être ordonnée
à leur égard. Seules des « mesures appropriées
» éducatives et non de peines peuvent être
choisies par la juridiction.
Le nouvel article 122-8 du Code pénal abonde en ce sens, mettant
en avant le principe de la primauté de léducatif sur
le répressif : « Les mineurs reconnus coupables dinfractions
pénales font lobjet de mesures de protection, dassistance,
de surveillance et déducation dans les conditions fixées
par une loi particulière. » Cette reconnaissance implicite
de la présomption dirresponsabilité des mineurs de
moins de 13 ans est remise en cause par la jurisprudence.
Ainsi dans larrêt Laboube (décembre 1956), la chambre
criminelle a considéré que la juridiction du fond ne pouvait
prononcer une mesure éducative quaprès avoir, au préalable,
constaté que le mineur avait compris et voulu les faits qui lui
étaient reprochés. Cet arrêt a conduit à établir
une sous-distinction entre les mineurs de moins de 13 ans :
« Linfans », cest-à-dire le nourrisson,
lenfant en très bas âge, qui ne comprend ni ce quil
veut ni ce quil fait ; celui-là doit être systématiquement
relaxé car il est irresponsable de ses actes. En ce cas, cest
à la juridiction du fond de déterminer le seuil dâge.
« Le mineur non infans », qui ne saurait bénéficier
systématiquement dune relaxe ; cest à la juridiction
du fond de rechercher si lenfant a compris et voulu lacte
qui lui est reproché. Cette analyse de la volonté consciente
a été confirmée par larrêt Djouad
(mai 1984) ; ainsi la cour justifie de la culpabilité dun
mineur par la seule constatation de volonté consciente.
Le mineur est donc responsable, sous les mêmes conditions que le
majeur, jusquà la déclaration de culpabilité
comprise.
En 1997 (arrêt Bertrand), la chambre civile consacre une responsabilité
de plein droit des parents du fait de leur enfant. Dans le cas dindemnisation
de victimes, les parents pourront être tenus den avancer le
montant.
Il existe aussi un texte de loi en vertu duquel les juges peuvent sanctionner
pénalement les parents défaillants. Il sagit de larticle
227-17 du Code pénal, qui punit de 2 ans demprisonnement
et de 200 000 francs damende les parents « se soustrayant,
sans motif légitime, à leurs obligations légales,
au point de compromettre gravement la santé, la sécurité,
la moralité ou léducation de leur enfant mineur ».
Concernant la garde à vue, un mineur de moins de 13 ans ne peut
pas être placé en garde à vue. Cependant il peut être
« retenu » pendant une durée de 10 heures sil
existe la présomption quil a commis ou tenté de commettre
un crime ou un délit puni dau moins 7 ans demprisonnement.
Cette retenue doit être motivée par les nécessités
de lenquête. Lofficier de police judiciaire doit obtenir
laccord préalable dun magistrat du ministère
public ou dun juge dinstruction spécialisé dans
la protection de lenfance ou dun juge pour enfants. Cette
retenue peut être prolongée pour une nouvelle durée
maximum de 10 heures après présentation du mineur devant
le magistrat (examen médical obligatoire et immédiat, avocat
obligatoire dès le début de la retenue).
Concernant la détention provisoire, elle ne peut être appliquée
aux mineurs de moins de 13 ans.
La notion de culpabilité pour les mineurs de 13 à 18 ans
est la même que pour un adulte et dans ce cas les juges peuvent
infliger soit une mesure dite « éducative », soit une
peine, « lorsque les circonstances et la personnalité du
délinquant leur paraîtront lexiger » (article
2 de lordonnance de 1945), surtout si le mineur approche de la majorité.
Les mesures éducatives peuvent être de plusieurs types. De
la garde du mineur (par sa famille ou par un établissement spécialisé
type foyer) à la liberté surveillée, confiée
à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans différents
types détablissements (voir encart plus loin), en passant
par la mise sous protection judiciaire, ou la réparation par lintermédiaire
de travaux dintérêt général (de 40 à
240 heures).
Les condamnations pénales peuvent être bien entendu infligées
aux mineurs de 13 à 18 ans, en sachant quun principe de diminution
de peine est appliqué à ceux de 13 à 16 ans. Au-delà
un mineur peut être condamné comme un adulte. Par exemple
les condamnations pour meurtre peuvent être de 30 ans voire à
perpétuité (10 à 20 ans pour les 13-16 ans), 7 ans
pour vol en réunion ou avec violences, 10 ans pour détention,
transport, offre, achat, cession de stupéfiants, 15 ans pour viol.
Si le mineur a moins de 16 ans, la garde à vue ne peut pas excéder
24 heures et sa prolongation nest possible que si la peine encourue
est un délit puni dune peine supérieure à 5
ans demprisonnement (examen médical obligatoire et immédiat,
entretien avec un avocat dès le début de la garde à
vue). Si le mineur a plus de 16 ans, les règles sont celles applicables
aux adultes (24 heures renouvelables après présentation
au Parquet, entretien avec un avocat au bout de la 20e heure, examen médical
à la demande du mineur). En matière de délits, la
détention provisoire est impossible pour les moins de 16 ans. Les
13-16 ans ne peuvent être placés en détention provisoire
quen cas de crime, ils peuvent être alors emprisonnés
pour une durée maximale de 6 mois, renouvelable une fois. Pour
les 16-18 ans, si la peine encourue est inférieure à 7 ans,
la détention provisoire ne peut excéder 1 mois (renouvelable
une fois) ; si la peine encourue est supérieure à 7 ans,
elle peut être de 4 mois (renouvelable mais ne peut excéder
1 an au total).
En matière de crimes, les 16-18 ans peuvent être placés
en détention provisoire pendant une année, avec prolongation
possible par périodes de 6 mois (nexcédant pas
2 ans au total).
Les mineurs ne sont pas déférés aux juridictions
pénales de droit commun. La juridiction principale est le tribunal
pour enfants, mais le juge pour enfants ainsi que la cour dassises
pour mineurs peuvent être également compétents pour
juger les mineurs.
Les tribunaux pour enfants sont des juridictions rattachées aux
tribunaux de grande instance, il en existe 139 en France. Ils sont compétents
pour juger les délits commis par les mineurs et les crimes commis
par les mineurs âgés de moins de 16 ans au moment des faits.
Deux assesseurs (simples particuliers « connus pour leur compétence
et lintérêt quils portent aux questions relatives
à lenfance ») siègent à côté
du juge des enfants.
Depuis 1987, les juges des enfants sont désignés sans limitation
de durée. Il sagit dun juge du tribunal de grande instance
choisi pour ses « aptitudes et son intérêt pour les
questions de lenfance ». Il fait partie du tribunal pour enfants
mais il peut statuer seul, sans assistance. Il constitue alors à
lui seul une juridiction. Il est compétent pour juger les délits
commis par un mineur.
La cour dassises des mineurs est compétente pour les crimes
et délits commis par les mineurs âgés de 16 à
18 ans. Son organisation est la même que celle de la cour dassises
classique (un président, deux assesseurs qui sont des juges pour
enfants, neuf jurés, un procureur général ou un magistrat
du Parquet). Cependant les débats ont lieu à huis clos.
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