Perpétuité


Je t’écris d’une nuit noire habitude
Je t’écris d’une vie qui hésite à se vivre
Pourtant, ici, j’ai appris à aimer
L’horloge est arrêtée
Je suis perpétuité
J’ai appris à t’aimer dans cet enfer soumis
C’est ici que j’ai vu mourir tous mes amis
Mais toutes les vies ne sont pas sacrées
Ils en sont désolés…
Je suis perpétuité !
Ils me disent souvent qu’eux aussi sont parents
Et puis que loin des yeux il est question de temps
Ils ont des enfants et moi j’en avais
Le présent, l’imparfait
Je suis perpétuité
C’est pour lui que j’écris mon destin quelque part
Et dans son cœur d’enfant qui s’ouvrira plus tard
Je verse l’amour que j’ai pu sauver
A leur barbe, à leur nez
Je suis perpétuité
Malgré les hauts murs gris qui
s’éloignent sans cesse
Malgré tous les verrous s’ouvrant sur tes caresses
J’entends les cris dans les murs voyager
Vous me croyez fêlé ?!…
Je suis perpétuité !
Comme si les frayeurs de l’enfance lointaine
Avaient poussé d’un coup un appel à la haine
J’aime la vie de ceux qui ont été
Si morts et pas assez !
Je suis perpétuité
Le temps se mesure par un certain regard
Et l’autre n’est autre que l’hôte du hasard
Dix mètres carrés pour être épiés
Faites pas l’étonné !…
Je suis perpétuité
L’espoir tuberculeux tousse sa négritude
Et vous vous déchirez pour une servitude
Que vous prenez pour une qualité
Vous êtes absurdité !
Je suis perpétuité
Je n’ai plus aujourd’hui que des mots d’insoumis
Je les prends comme ami comme on prend le maquis
En cascade je crache ma pensée
Folle, illuminée…
Je suis perpétuité
L’avenir me dira si j’ai un devenir
Et si leur liberté vaut la peine de souffrir
Ils ne me lâcheront vraiment jamais
Comme un compte à régler
Je suis perpétuité
Ils iront mettre au coffre un sang noir libertaire
Et cloner les prolos qui savent bien se taire
Leurs chaînes ne seront pas signées Cartier
Mais made in société
Je suis perpétuité
Autrefois on disait « de la chair à canon… »
Sitôt les yeux ouverts on t’envoyait au front
La paix a changé les priorités
« De la chair à juger »
Je suis perpétuité
En votre âme et conscience, illusion du pouvoir
Il vous faut bien punir pour remplir vos devoirs
Vous êtes tous des assassins bien-nés
Un jour vous paierez.
Prisonniers de la centrale d’Arles