Tout dabord je me présente, je mappelle
Alain Morisson, 47 ans, condamné à vingt ans de réclusion
criminelle dont les deux tiers de sûreté pour « coups
mortels ayant entraîné la mort ».
Je suis un déporté de Saint-Maur du 13 février 2002
et je me dois de répondre à votre appel, ne serait-ce que
pour confirmer le témoignage des détenus qui étaient
du voyage et surtout sur le fait quon a bien été transférés
comme des chiens ! En ce qui me concerne, ils ont fait irruption dans
ma cellule de très bonne heure le matin, à une dizaine à
peu près, boucliers, matraques et tout lattirail ; ils mont
sauté dessus au lit, mis les menottes serrées à mort
derrière le dos, les entraves et après une petite attente
dans un parloir disolé, jai été confiné
dans un fourgon cellulaire dans lequel jai fait tout le trajet de
Saint-Maur à Fleury, torse nu et en short ! Pour ma part, il ny
avait aucune raison à ce transfert précipité sinon
le fait que jai à plusieurs reprises bousculé verbalement
cet éducateur de Saint-Maur, à qui javais demandé
de téléphoner dans un foyer où on vient de placer
mon petit garçon. Etant donné quil ne bougeait toujours
pas son cul, jai ensuite envoyé chier la sous-directrice
qui mavait convoqué, du net et du propre. Et voilà
le résultat des courses.
Je précise que je termine ma huitième année de prison
dont quatre à lisolement dont plusieurs séjours au
mitard, refus de remonter de promenade, suspicions dévasion
à plusieurs reprises, de la routine quoi ! Mais quand ça
les arrange, ces pourris, ils sautent sur un dossier comme le mien pour
justifier un transfert disciplinaire, il suffit pour eux de rajouter un
trouble à lordre public ou à la discipline et le tour
est joué !
Je suis pourtant un détenu assez solitaire, levé de bonne
heure le matin, trois heures et demie de sport par jour, pas de télé,
et je suis actuellement en train de préparer un brevet sportif
premier degré mais ce projet est bien compromis si je prends en
compte la galère dans laquelle je suis ! Deux mots sur mon paquetage,
des affaires déchirées volontairement et la moitié
qui manque ; pour mon courrier, il suit normalement, pour mes conditions
de détention, rien de spécial. Imaginez un peu, je viens
de me taper sept ans de MA (Nantes, Angers, Rennes, Laval, Ploëmeur,
Caen, Le Mans, Fresnes), juste dix ans de centrale et me voilà
de retour en MA. Jai la rage, la haine et je compte dans les jours
à venir bloquer la promenade tout seul comme dab, ils sont
dailleurs avertis ! Daprès les noms que vous avez donnés,
jai reconnu trois de mes potes : il sagit de Christophe Pedron,
André Franchesci et Patrick (je ne connais pas son nom de famille),
qui a dû être libéré daprès ce
que vous avez dit à la radio. Il y a dailleurs longtemps
quils auraient dû le lâcher, il est en phase finale
dune grave maladie. Je suis quand même très content
pour lui. Quant à mes potes, vous leur ferez la bise et quils
se manifestent. Vous passerez aussi un grand bonjour à tous ceux
qui étaient dans cette déportation.
Que dire de la centrale de Saint-Maur ? Cest un endroit pitoyable,
un DVD avec des films de cul, bien sûr, un travail pour 1 200 francs
par mois, un bout de jardin dans la promenade et tout le monde ferme sa
gueule, tout le monde fait le canard. Par contre, il est fréquent
de voir des détenus boire le café avec les surveillants,
jappelle ça des « tapettes », il faut savoir
rester à sa place dans la vie ! Bon, jespère vous
avoir éclairés un peu plus sur la procédure de ce
transfert du 13 février 2002 et si vous désirez savoir
autre chose, nhésitez pas à me le demander. La censure,
jen ai rien à « branler », le mitard, idem, lisolement,
idem, alors vous pensez bien que pour me toucher, il faudra quils
cherchent autre chose, peut-être une autre déportation, je
suis partant. Est-ce quils peuvent faire pire encore ? A suivre
Je vous souhaite bon courage et bonne continuation pour votre émission,
ne lâchez pas laffaire, vous allez dans le bon sens. Merci.
Gros bisous aux filles.
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