Appel A action

L'article 729 du code de procédure pénale proclame que « la libération conditionnelle tend à la réinsertion des condamnés à la prévention de la récidive ». Cette affirmation ne découle pas d'un sursaut d'humanité de la part du législateur. Elle confirme simplement le résultat de toutes les enquêtes menées à ce sujet. Elle énonce donc une réalité.
Au sujet des prisonniers, la seule libération conditionnelle digne de ce nom est celle qui intervient à mi-peine pour les primaires, aux deux tiers de la peine pour les récidivistes. Lorsqu'on leur propose cette libération conditionnelle avec contrôle judiciaire à quelques mois seulement de leur libération normale, la plupart des prisonniers considèrent cela comme une plaisanterie et une provocation supplémentaire ; ils ont alors raison de la refuser et de préférer sortir totalement libres en fin de peine.
La réinsertion des condamnés et la prévention de la récidive sont des arguments majeurs. Ce sont des raisons parfaitement suffisantes en soi pour que la libération conditionnelle devienne la règle et se voie appliquée le plus systématiquement possible. Or on constate que c'est trop souvent le contraire qui se passe : les libérations conditionnelles sont proposées au compte-gouttes ou lorsqu'elles n'intéressent plus vraiment les condamnés qui croupissent dans les prisons françaises. Une politique de refus automatique est menée par certains magistrats qui trouvent sans doute là, dans ce pouvoir de jouer avec la liberté et avec la vie des personnes qui leur sont soumises, la satisfaction de leurs penchants.
Résultat : les prisonniers passent beaucoup trop de temps inutilement derrière les barreaux, compromettant leur avenir et leur chance de réinsertion, et les places ne se libèrent pas, en particulier dans les CD et les centrales accueillant les « longue peine ». Pour accéder à ces places qui se font rares, les délais sont de plus en plus longs. C'est le sort réservé tout particulièrement à ceux qui passent au CNO et qui attendent à Fresnes leur transfert. La durée moyenne d'attente tourne autour d'une année mais il est fréquent d'avoir à passer plus de deux ans dans ce « camp de concentration » où les possibilités de travail, de formation, d'activités sont quasi inexistantes et où les conditions de vie sont celles des maisons d'arrêt, c'est-à-dire qu'on n'y a droit à rien.
Les prisonniers sortis du CNO ont le sentiment d'être les sacrifiés d'un système constamment au bord de la catastrophe. Tandis qu'ils attendent la fin, ils voient partir d'autres longue peine en transit. Car l'Administration pénitentiaire semble accorder les places disponibles en priorité à ceux qui sont directement affectés d'une maison d'arrêt à un établissement pour peine sans passer par le CNO, ou encore à ceux qui changent de CD ou de centrale. Les condamnés parqués à Fresnes estiment qu'ils font injustement les frais d'une politique discriminatoire qui les pénalise d'autant plus qu'ils doivent patienter beaucoup plus longtemps que les transitaires et dans des conditions bien pires. Les cas de prisonniers cumulant déjà six, sept ou huit ans de maison d'arrêt, et que l'on oblige à attendre encore interminablement leur transfert, sont nombreux à Fresnes.
Nous rappelons que les condamnés sont censés, selon la loi, subir leur temps de prison dans des établissements pour peine. Nous rappelons également que les sénateurs, parmi les mesures qu'ils ont jugé indispensables pour sortir de la situation honteuse dans laquelle ils ont trouvé le système pénitentiaire français, ont préconisé dans un rapport rendu public en juin 2000 de ne pas maintenir les condamnés définitifs plus de six mois en maison d'arrêt avant leur transfert.
Pour dénoncer cette incurie de l'Administration pénitentiaire et exiger des transferts plus rapides, les « condamnés CNO » de Fresnes sont appelés à manifester leur exaspération par un refus de plateau le lundi 25 mars 2002.

Collectif de Fresnes