Lettre ouverte à l’émission « L’Envolée », à ses auditeurs et à ses auditrices

Tout d’abord, nous tenons à saluer les différentes personnes qui, de par leur implication, font que cette émission de radio existe, tout comme la parution du journal du même nom. Ainsi que les autres militants gravitant autour et participant à des rassemblements, distributions de tracts, ou toutes autres initiatives visant à interpeller l’opinion publique.
Si nous rendons publique cette lettre, tout en étant conscients à court ou long terme des conséquences qu’elle peut engendrer, c’est dans le souci d’informer la population intra/extra-muros des conditions de vie concernant le bâtiment D5 de la MAH de Fleury-Mérogis, tout comme de la situation dans laquelle nous a placés l’Administration pénitentiaire, nous prisonniers politiques basques. En effet, si cela fait plus de quatre mois qu’un courrier dénonçant les conditions de détention suivi d’une pétition, adressés à M. Barate, directeur de la MAH de Fleury, à la direction régionale de l’AP et à la garde des Sceaux, Mme Marylise Lebranchu, dont nous fûmes avec 150 autres détenus signataires, et dont vous-même, par une distribution de tracts, ou à maintes reprises en abordant le thème au cours de différentes émissions, vous en êtes fait écho, nous sommes les premiers à dénoncer qu’aucune initiative n’a été prise de la part des instances dirigeantes mises en garde. Bien au contraire, l’effet boomerang ne s’est pas fait attendre ; qui plus est, jusqu’à ce jour nous constatons un durcissement du régime disciplinaire carcéral, et par conséquent des conditions quotidiennes de détention. Par exemple, les sorties de promenade pour chaque détenu se font après une fouille par palpation et une mise en rang d’oignons – telle une armée sous les ordres d’un sergent éructant des ordres. La réponse immédiate de M. Barate avait été de diligenter une enquête administrative pour savoir comment diable une telle sédition avait pu passer les mailles du filet de la censure et du contrôle pénitentiaire, au lieu d’apporter une réponse sensée aux revendications étayées et fondées par le collectif de détenus à l’origine de cette initiative (au passage, il nous a été plus d’une fois, par le biais d’insinuations ou de propos directs du directeur de bâtiment, reproché d’être les auteurs et meneurs de cette action ; et que, en guise de brimade, notre situation actuelle avait à voir avec cela).
Le nouveau directeur du bâtiment D 5, M. Reillon, fraîchement nommé à la place de son prédécesseur Mme Mekouontchou tente actuellement d’asseoir son autorité au quartier des femmes du même établissement, quant à lui, souhaitant apposer son sceau dans un régime d’ordre et de discipline, placardé des notes informant la population de la détention et faisant des menaces à l’encontre des récalcitrants qu’il serait dorénavant interdit de diposer des serviettes ou tout autre objet obstruant la visibilité sur les barreaux des cellules (pour que le mirador puisse s’inviter dans le dernier « endroit d’intimité » du détenu), mais aussi de décorer sa cellule en dehors d’un panneau contreplaqué 100 x 80 cm qu’il s’est empressé d’équiper la majorité des cellules. En usant de ce prétexte, de sa propre initiative, une équipe de nuit, cigarette à la main et haleine d’alcool au vent, composée d’un bricard et de quatre voire cinq surveillants, en a profité à 11 heures du soir pour appliquer à la lettre la missive et faire débarrasser les fenêtres. « Va tuer les enfants, connard ! », a aboyé un des matons de l’épopée matonienne devant le refus de l’un d’entre nous d’obtempérer. Des coincidences notoires, telles que la composition du groupuscule de même que le choix de l’étage et l’aile (3e droite), nous laissent à penser que les relents de haine et de vengeance à notre encontre sont loin d’avoir été classés aux oubliettes. Les prochaines semaines ne vont pas démentir notre intuition. En ce qui concerne nos revendications propres – le regroupement des Basques de Fleury dans deux divisions de l’établissement et l’obtention d’un nombre conséquent de parloirs doubles pour les membres des familles se déplaçant depuis le pays Basque et effectuant plusieurs centaines de kilomètres (aller-retour presque 2 000 km) –, les belles paroles et promesses du ministère en question, de la direction régionale de l’AP, de la direction de Fleury, pour l’instant après de multiples rencontres, n’ont presque rien donné. Elles ont laissé la place, dans un premier temps, à la déception puis à des actions ayant pour but de perturber leur sacro-sainte discipline carcéralo-militaire, ceci se soldant par des séjours au « château d’eau », comme ils ont coutume de le dénommer.
A noter au passage l’attitude de M. Belloc, chef du bâtiment D5 (shérif de détention), qui n’a de grand que son éloquence et son arrogance, tout comme celle d’un bricard à moustaches d’attaches bretonnes, qui semblerait convaincu que, par le biais de menaces, il pourrait nous impressionner… Même si les bookmakers de la lutte en détention nous cotent à la hausse, la seule attitude et solution plausible serait que ces messieurs cravatés tiennent leur parole donnée au cours de rencontres bilatérales… En attendant, nous poursuivrons nos actions !
Nous souhaitons faire parvenir nos amicales et fraternelles salutations à Lulu (le boxeur fou, au crochet droit percutant), à Pascal, à Shadli, à Marcel et à sa communauté de patriotes corses incarcérés, aux Bretons, et pour terminer une embrassade révolutionnaire à nos centaines de compatriotes basques, hommes et femmes emprisonnés dans les geôles françaises aux cinq coins de l’Hexagone de l’Etat français (un coin nous étant géographiquement supprimé) ainsi qu’à ceux se trouvant sur le territoire de l’Etat espagnol à des centaines de kilomètres de leurs liens familiaux.

Jotake, irabazi arte !
Les prisonniers politiques basques du D 5
de Fleury-Mérogis
Pepu, Sua et txapote