A RECULONS…

La vague médiatique qui avait éclairé quelques mois le monde carcéral est désormais du domaine du souvenir. Elle a cédé sa place à une autre mode, bien plus électoraliste et habituelle, celle de l’idéologie du tout-sécuritaire, de l’exclusion et de l’enfermement. Les promesses concernant les aménagements de peine, l’abolition de la perpétuité, les beaux discours humanitaires qui préconisaient des transformations tant des fonctionnements des prisons que de son prétendu rôle de réinsertion n’auront pas réussi à cacher longtemps les intentions bien concrètes du gouvernement et des parlementaires.
« Il faut faire comprendre aux caïds de banlieue qui sortent des commissariats en faisant des bras d’honneur que la rigolade, c’est fini. » Ces propos ne sont pas tenus par Le Pen ou Pasqua mais par Julien Dray, membre de la gauche plurielle. C’est exactement ce que l’on appelle une déclaration de guerre. Une guerre de basse intensité qui s’est donné toutes les armes nécessaires pour son développement ; l’abrogation quasi intégrale de la loi sur la présomption d’innocence, au-delà de ses applications, donne le feu vert aux soldats du pouvoir (flics, gendarmes, matons, vigiles…) pour exercer leurs basses œuvres assassines sous les ordres de leurs supérieurs. Et ils ne s’en privent pas ! Simples exemples d’une réalité quotidienne : à Paris un jeune des Mureaux de 17 ans, Moussa Bradey, a été abattu d’une rafale de pistolet mitrailleur dans la nuit du premier janvier 2002 pour un simple vol de voiture ; Edouard Salumu Nsumbu, 47 ans, est mort en garde à vue, suite à un passage à tabac en règle le 29 octobre 2001… Le harcèlement policier parfois meurtrier s’intensifie contre ce qu’ils appellent la petite délinquance. Le Sénat vient même de voter l’amendement Charasse qui autoriserait les flics à tirer après une sommation sans qu’ils aient à prouver une situation de légitime défense. De leur côté, les juges mettent en examen à tour de bras, remplissant à nouveau les maisons d’arrêt, qui s’étaient très momentanément vidées : on aura finalement délivré autant de mandats de dépôt en 2001 qu’en 2000 et cela est dû aux seuls derniers mois de l’année. Et de l’avis même d’un président de TGI, le plus grave n’est pas tant les retouches de cette loi que le contexte qu’elles instaurent avant même que les amendements soient votés : « C’est un grand classique, les juges anticipent les réformes à venir. »
Qu’on ne s’y trompe pas, les fonctionnaires et militaires en uniforme obéissent à des ordres : les responsabilités sont dans les mains du pouvoir et de ses représentants. Cette guerre n’est pas celle de quelques flics hargneux, ou de juges zélés, mais celle des possédants, celle des riches qui ont décidé de balayer, d’éliminer tous ceux qui pourraient gêner le bon développement du profit, et qu’importent les dégâts.
A l’intérieur des prisons, le climat se durcit : de nombreux témoignages, comme celui du collectif de détenus du D 5 de Fleury-Mérogis, confirment un retour en force du « racisme, des humiliations, des brutalités physiques qui favorisent le développement d’une logique de tension et de dégradation quotidienne de la vie carcérale, ce qui deviendra ensuite de la part du personnel surveillant un prétexte à des revendications syndicales ». Face à cette volonté délibérée du matonnat de réduire les prisonniers au silence, des collectifs de détenus se créent au gré des transferts et des situations particulières (à Fleury mais aussi à Lannemezan, Arles, Fresnes, Nanterre…).
La récente mutinerie à la centrale de Poissy révèle, s’il en était encore besoin, la volonté de la part des prisonniers de créer un rapport de forces, des résistances qui montrent qu’ils ne sont pas prêts à se laisser tuer à petit feu comme le voudrait le ministère de la Justice. Nous n’avons que peu d’informations sur ce qui s’est réellement passé, et sur ce que sont devenus les prétendus 80 meneurs transférés… sauf la certitude qu’ils sont dans des mitards de la région parisienne pour au moins une vingtaine de jours renouvelables.
C’est pourquoi il est plus que jamais essentiel que les mouvements, individuels comme collectifs, se coordonnent afin que le silence si cher à l’AP ne s’installe pas ; notre rôle, à nous qui sommes dehors, est de rendre public ce qui se passe dedans pour que l’AP ne puisse pas tout se permettre, et de combattre activement l’idée de l’enfermement pour que tout un chacun puisse prendre conscience de ce qu’est vraiment la prison et à qui elle sert.
Exigeons plus que jamais : la fermeture des quartiers d’isolement et des mitards
l’abolition des longues peines
la libération immédiate de tous les détenus malades
l’abolition de la double peine
le regroupement affinitaire, politique et familial
l’abrogation des lois d’exception (lois sur la sécurité quotidienne, association de malfaiteurs…)

Collectif pour en finir avec toutes les prisons, 21, ter rue Voltaire, 75011 Paris
L’émission de radio L’Envolée émet tous les vendredis de 19 heures à 20 h 30
(rediffusion le lundi à 12 h 30) sur FPP, 106.3