EDITO

Ne tombons pas dans le piège de leur propagande, n’en rajoutons pas à la diffusion de leur autosuffisance qui voudrait, à grands coups de matraque, qu’elles soient en plastique ou télévisée, nous faire admettre que tout est foutu, qu’il ne sert plus à rien de bouger la moindre oreille, qu’il est préférable de rentrer sagement dans le rang pour éviter les cases chômage, précarisation ou prison. Sans oublier non plus que la période n’est pas spécialement rose, il serait dommage de ne pas chercher à comprendre ce qui a poussé l’Etat à préparer une guerre sociale : l’entraînement de troupes militaires au Kosovo ou en Afghanistan, la mise en place d’une série de lois sécuritaires, les coordinations policières et juridiques entre les différents pays occidentaux, sont effectués pour tenter de décourager les résistances qui ne manqueront pas de se réveiller un peu partout dans le camp des laissés-pour-compte, dans le camp de ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se soumettre aux lois de ce monde capitaliste. Si ce numéro de L’Envolée a délibérement choisi de mêler un peu plus des articles décrivant des situations de conflits à l’intérieur des prisons et à l’extérieur, dans le monde soi-disant libre, c’est parce que, comme toujours, séparer les questions carcérales et judiciaires du reste du fonctionnement coercitif de ce monde marchand empêche d’aborder concrètement l’ensemble de la question.
Il nous appartient de donner leur véritable sens aux rapports de forces qui s’engagent un peu partout, à l’intérieur comme à l’extérieur : cela peut prendre la forme d’une mutinerie dans la centrale de Poissy, où quelques jeunes ont remis au goût du jour, au péril de leur vie, la nécessité de la solidarité et du refus du pouvoir ; cela peut prendre la forme de crachats à la face du « menteur national » lors d’une visite dans une cité de la région parisienne ; cela peut prendre la forme aussi d’une lutte de précaires qui au fil des jours de grève remettent en question non seulement leurs conditions de travail, mais aussi les formes d’organisation syndicale, le bien-fondé de la production et les fondements d’une société où quelques-uns vivent aux crochets de tous les autres ; quelquefois même, cela peut prendre la forme désespérée d’un geste solitaire, suicidaire de celui qui ne veut pas quitter ce monde sans emmener avec lui d’autres vies qu’il estime responsables. Cela peut prendre beaucoup de formes ; il est « tout juste » nécessaire de détruire une confusion que les tenants du pouvoir se plaisent à entretenir, espérant se tenir dans une invisibilité qui les protégerait de toute attaque directe.
Ils montrent qu’ils craignent l’émergence d’une nouvelle classe dangereuse, ne les décevons pas.