Jétais dans la salle dactivité
quand tout a commencé, je nai donc pas vu le début
de lincident, mais jai mené ma petite enquête,
et je vais essayer de texpliquer ce qui sest passé
ici le 24 janvier aux environs de 17 h.
Pour bien comprendre, il faut savoir que les cabines téléphoniques
fonctionnent de la manière suivante : tu fais une demande de réservation
à la date et heure où tu voudras appeler, ceci afin de faciliter
laccès à la cabine par tranches horaires de quinze
minutes pour tout le monde. Si quelquun a raté son rendez-vous,
ou que les cabines sont vides, tu peux quand même y avoir accès
sans rendez-vous.
Le petit jeune qui sappelle Pompé devait donc téléphoner
aux environs de 17 h, il est rentré dans la cabine pour passer
son coup de fil, mais na malheureusement pas pu joindre son correspondant,
il est donc ressorti pour ne pas embouteiller et pensait y retourner pour
essayer à nouveau : ce qui est logique et que nous faisons tous.
Mais cet après-midi-là, cest ladite équipe
n° 1 qui était de service (des casse-couilles en puissance).
Celui qui était de service au téléphone ne voulait
donc pas lui laisser laccès à la cabine une deuxième
fois, sous prétexte quil y avait beaucoup dautres personnes
avant lui. Tu sais tout comme moi comment fonctionne la provoc dans ces
asiles ! Le môme se serait pris de bec avec lui, le ton aurait monté,
les insultes auraient fusé, et le maton lui aurait donné
un coup de boule. Version maton, ce serait Pompé qui aurait donné
le coup de boule ! Je nétais pas présent, je ne saurais
donc pas te dire qui a donné ou pas donné ce coup de boule.
Mais daprès ma toute petite expérience (de pratiquement
18 piges dans ces putain de murs) il ma très rarement, pour
ne pas dire jamais, été donné de voir un maton se
faire insulter sans réagir ! Surtout avec les jeunes de maintenant
qui nont pas leur langue dans leur poche !
Mais peut-être que ce saint homme est un adepte de Gandhi, puisquil
aurait encaissé les insultes et se serait même laissé
mettre un coup de boule daprès la version des matons ! Toujours
est-il quils lui sont tombés à quatre dessus pour
le traîner au mitard. Les mecs qui à ce moment passaient
par là ont été prévenir les autres que les
matons étaient en train de traîner manu militari leur pote
au cachot. Tous les jeunes, que dailleurs les matons de léquipe
appellent la racaille, sont donc venus aux nouvelles pour savoir et comprendre
ce quil sétait passé ; mais le directeur, qui
règne sur la centrale comme un petit seigneur sur son domaine,
a comme à son habitude refusé tout dialogue et cest
par des menaces de sanctions quil a fait répondre aux demandes
dexplication des jeunes par lintermédiaire dun
jeune surveillant-chef (Trouflot). Cest dailleurs à
ce moment-là que nous sommes arrivés sur la cour devant
la détention et avons même conseillé à Trouflot
de sortir Pompé du cachot et faire ainsi redescendre la tension.
Puisquil y avait des rumeurs de tabassage, ils verraient ainsi de
leurs propres yeux linexactitude de ces rumeurs parce que nous voyons
très bien que cela pouvait finir en prise dotage. Mais Monsieur
Voiturons, le directeur, qui est seul habilité à prendre
ce genre de responsabilité, na rien voulu savoir et a préféré
sacrifier ce pauvre Trouflot qui na rien compris au film ! Dailleurs
devant lobstination de Voiturons à refuser tout dialogue,
les trois matons qui escortaient Trouflot dans la cour lavaient
déjà lâchement abandonné pour aller se planquer
avec les autres derrière les vitres blindées du rez-de-chaussée
de la détention et cest là que tout est parti en vrille
: lexaspération généralisée due à
la politique dasphyxie de Voiturons fait que personne na cherché
à calmer les prisonniers. Nous leur avons quand même conseillé
de ne pas le prendre en otage parce quil ny aurait pas grand
monde pour assurer sa protection et je crois bien quil aurait été
drôlement malmené.
Ils lui ont donc arraché ses clefs et ont ouvert les sas qui donnent
accès aux différentes cours pour permettre aux mecs qui,
nétant pas informés de lincident, étaient
restés coincés dans les différentes salles dactivité
que les matons navaient pas oublié de fermer avant de battre
des records olympiques du 100 m. Les mômes sen sont donc donné
à cur joie en commençant à casser tout ce qui
pouvait de près ou de loin ressembler à une vitre, y compris
la salle informatique, la bibliothèque, le gymnase, la cuisine
et le poste de contrôle central, qui ont mystérieusement
pris feu. Mais après quelques heures de ce joyeux petit feu de
Bengale, nous avons pris conscience quil fallait faire quelque chose
: les mecs en détention, que les matons avaient pris soin de bien
boucler dans leurs cellules avant dabandonner la détention
(même ceux du premier étage qui ont normalement la porte
ouverte), commençaient à sétouffer à
cause de la puissante fumée toxique qui séchappait
du brasier. Nous nous sommes donc relayés pour remplir deau
des grosses poubelles et essayer déteindre le feu pendant
que dautres rentraient à leurs risques et périls dans
la détention pour ouvrir les portes des cellules qui étaient
déjà complètement enfumées et plongées
dans lobscurité puisque lélectricité
avait été coupée avant même le départ
du feu. Nous étions trempés et frigorifiés mais bon,
pour nous qui savons ce quest une cellule, entendre des mecs hurler
à la mort coincés dans ce genre de putain de cercueil en
béton, je peux te dire que ça fout les boules et tu nas
quune seule chose en tête, sortir ces pauvres mecs de là.
Après cette petite montée dadrénaline, nous
navions plus grand-chose dautre à faire que dattendre
patiemment les gentils petits CRS qui, dans un premier temps, avaient
commencé à nous menotter mais qui, après négociations,
ont fini par comprendre quil ny avait pas de nécessité
demployer la force. Ils nous ont donc parqués dans un coin
de la cour de promenade (sans menottes) le temps de faire le constat des
dégâts et que ces messieurs courageux de la pénitentiaire
fassent leur petite liste de prétendus meneurs qui ont été
14 à être balluchonnés le soir même, et ça
continue puisque nous sommes maintenant à 22 balluchonnages dont
les deux mecs qui ont vu le début de lincident et qui sont
allés prévenir les potes de Pompé. Les témoins
directs nétant plus présents, ils ont étouffé
linformation dans luf ! Voici la liste de ceux qui sont
déjà partis, à quelques noms près : Benchaa,
Benazza, Demir, Tonco, NGuyen, Challack, Nebourou, Jean-Pierre,
Pomier, Guilleminot, Mamouni, Boumedienne, Maiouf, Carlier, Bakalayane,
Pompée, Guinnon, Cassante.
Et ça devrait continuer daprès les rumeurs. Jespère
que ça fera prendre conscience à Voiturons et à tous
ces petits ronds-de-cuir qui ne connaissent rien du terrain quune
centrale ne peut en aucune façon se gérer comme on gère
une maison darrêt, parce que quand on bouche la soupape dune
cocotte-minute, elle explose, cest mathématique. En tout
cas ces ptits jeunes nous auront agréablement surpris parce
que tout le monde sattendait à ce que ça explose mais
personne ne sattendait à ce que cela vienne deux. Ils
ont donné une formidable leçon damitié et de
solidarité à ceux qui se sont malheureusement oubliés
en chemin et font le jeu des matons. Faudrait pas les oublier parce que
contrairement à ce que disent les médias, tous ces jeunes
étaient pratiquement en fin de peine et le proc, qui était
en visite ici le samedi 2 février, a promis à Voiturons
quil les ferait chèrement morfler puisquil est le responsable
du TGI de Versailles.
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