DU QI DE FRESNES
lettre du Resilien, mars 2001
EDITO
FRESNES, RÉCIT DE LA TENTATIVE D'ÉVASION
DU 27 MAI 2001.
Rapport disciplinaire : Les crapules du mois : Le
RAID.
Les établissement pénitentiaires
différenciés ou le retour des QHS.
Les maisons centrales à effectif
réduit. Projet de construction de deux maisons centrales à
petits effectifs pour enfermer les détenus difficiles ou
dangeureux.
LE QUARTIER D'ISOLEMENT DE FRESNES,
texte de Jean-Marc Rouillan, mars 2001.
Extraits de Je hais les matins, J.M. Rouillan
éd. Denoël 2001.
LETTRE D'AUDREY ADDRESSÉE Á
Mme LA MINISTRE , Mr LE DIRECTEUR DE FRESNES
PROGRAMME DE DESHUMANISATION DU DOCTEUR
SCHEIN.
DE LA JEUNESSE CRIMINELLE.
DE LA PEINE DE MORT Á LA
PEINE JUSQU'Á LA MORT, du collectif itinérant,
Fleury Mérogis, mai 2001.
LA GUILLOTINE NE LAISSE AUCUNE CHANCE, LA
PRISON NON PLUS.
.
LES FOUILLES À CORPS, lettre du
Résilien, mars 2001.
MOUVEMENT DE REFUS DES FOUILLES INTÉGRALES
CHRONIQUE D'UNE PEINE PRONONCÉE
Procès de Manu Dahan
Une nouvelle brimade contre les parloirs
familles."Nous, femmes détenues à la Centrale de
Rennes
"
MORT AUX VACHES. Des
squatteurEs, quelques criminels parmi tant dautre.
Pour en finir avec toutes les prisons
Collectif de Defense des Familles et Proches
de personnes Incarcérées
NANTERRE, nous devons tous réagir.
Collectif de famille de détenus.
BAN PUBLIC.
La réinsertion ça troue lcul
TURQUIE: Les prisonniers turcs refusent
les prisons modernes.
Prisonniers des Grapo et du PCE(r) interdits
de parloir
Objet : Demande de libération conditionnelle.
Lettre de Régis Schleicher
DIX POINTS POUR EN FINIR AVEC LA PRISON.
Petites annonces
Lorsque
des jeunes se font dévorer par des sectes, plongent dans la dépendance
des drogues dures, entrent en délinquance (vols, prostitutions,
ultra-violence, etc.) ou prennent les armes pour une lutte armée
amateur suite à une révolte des tripes qui ne permet pas
pour cause de jeunesse de savoir que les ponts des idées se traversent
en funambules et non en somnambule :
Là ! dans tous ces cas de figures, nous nous apitoyons en tendant
des mains associatives et secourables ;
Là ! nous distribuons des placebos estampillés sociologie
;
Là ! nous donnons au Moloch humaniste nos enfants que des prêtres
spécialistes vont disséquer de psychanalyse, ou anesthésier
de pharmacopée psychiatriques ;
Là ! nous leur ouvrons nos curs glacés pour les faire
entrer, descendre, dans la matrice sociale quest la prisons ;
Là ! nous les portons des mois ou des années en prétextant
une renaissance à leur délivrance, leur libération,
tout en sachant que la Société hait tant la vie dans ses
embryons détenus quelle ne souhaite mettre bas que des monstres
malades lorsquelle les expulse du monde carcéral.
La la la la la, refrain bien connu en ces temps sans papiers, sans
espoir, sans avenir des sans parole et sans figure qui nous gouvernent,
jugent et condamnent.
Mais lorsquun de ces jeunes ne choisit aucune des solutions proposées,
aucune des options du grand catalogue social, refusant la drogue, la délinquance
ou la lutte armée au lance pierre
Bref, toutes ces alternatives
dappel au secours ! Donc, lorsquun jeune opte directement
pour le suicide ? Alors là, notre impuissance est telle que nous
tournons cette fois nos langues dans nos bouches closes quand toute lhorreur
du monde nous envahit avec ces « pourquoi ? ».
Du fond de leur mutisme les enfants ne sont plus là pour nous répondre,
même lorsquils se ratent comme quand ils passent, porteur
de mystère, de lautre côté : celui du silence.
Ils nous laissent adultes fatigués, entourés de points lumineux
dinterrogations.
Cest de ce voyage glacial que reviennent parfois des jeunes criminels
et, de retour parmi les vivants, les attendent un box de cour dassises.
On peut bien leur poser mille questions mais peuvent-ils répondre
à lune delle ? Non. Leur acte était déjà
une réponse avant même la question. A nous de trouver cette
dernière pour saisir lindicible de ce que nous disent, nous
actent, les jeunes meurtriers, assassins ou INSUICIDES.
Les soumettrent à la question ne nous sert à rien puisque
nous même pouvons répondre de mémoire sur ce qui,
enfant ou adolescent, motivait les bêtises faites ? Peu importe
le degré de la connerie accomplie ! Limportant reste ce silence
vécu à lépoque, ce silence boudeur ou souligné
dun sourire niais qui énervait notre entourage adulte. Ce
silence de tête à claques. Une fois encore : peu importe
la faute. Grande ou petite, le silence qui sensuit reste toujours
de la même densité, seule sa durée change.
En X jours de procès dAssises, quattendons nous de
ces jeunes prévenus ? Nous attendions qui deux et delles
? Allaient-ils souvrir et laisser sortir un monstre exorcisé
par la magie des lois pénales ? Après X années dattente
avant le procès, pensions-nous quils sétaient
remis en question ? Non ! Bien sûr que non
Ils restent lovés
en eux, porteurs du cadavre de leur victime sans pouvoir en accoucher.
Les jours de procès, procureur, président, avocats et jurés
se prennent trop souvent pour des accoucheurs avec leurs discours forceps.
Les enfants tueurs sont fréquemment enceintes de mort et la véritable
question reste : QUI OU QUOI LES A VIOLÉ DANS LÂME
?
Pour linstant, ils ne reçoivent décho que celui
de la justice. Cette justice bien connue pour son indulgence judéo-chrétienne
qui châtie pour amour dautrui et qui naurait aucun scrupule
à guillotiner un homme tronc. Cette justice au service non pas
du peuple mais juste du au nom du peuple ! Peuple né sous X ! Cette
justice qui remplace le lynchage populaire par celui du droit et des lois
! Mais la majorité des jeunes tueurs nentrent pas dans le
cadre des lois. Leur acte (le crime de sang) les met hors du cadre ou
plutôt hors de notre vision. À moins que notre il antique
nait plus la capacité de voir le cadre invisible de notre
nature profonde.
Cette nature qui me fait écrire que les jeunes nont pas tués
mais sacrifiés et ce, en état de légitime défense
sociale (pour les enfants des banlieues), morale (pour les individus isolés),
physique (pour ceux/celles qui subissent linformulable, lindénonçable
au sein des familles). Bien sûr, on peut crier à labsurdité
! Ricaner à la contradiction ! Et pourtant Credo quia absurdum
je le crois parce que cest absurde !
Évidemment latrocité de lacte, la mort dune
personne ! Évidemment lirréparable ! Les conditions
épouvantables ! La mise en scène médiatique nous
donne une image affreuse dun meurtre mais ce qui justement devrait
atténuer cette image dont la justice et les médias
ne nous donnent à voir que le négatif sans rien développer
vraiment, sans confronter lirréparable à linéluctable,
lun révélateur de lautre cest de
vouloir savoir que le crime de sang est commis par des adolescents ou
plutôt, et disons le mot, des ENFANTS !
Cest dans ce monde denfants que la justice et les médias
plantent leurs scalpels verbeux émoussés et rouillés
pour fouiller cette chaire vive.
Les mots choisis ? Employés ? Monstre. Barbare. Sang-froid. Sans
émotion. Ultra-violence. Malaise des jeunes.
Qui sait aujourdhui quon peut être insensible
tout en étant profondément émotif et réciproquement
? Ces enfants, quelquen soit le nombre seul ou en bande
, font une chose dure, difficile, maladroite, malhabile comme (et
lexpression vient toute seule) une initiation à la cruauté
! Enfin, toutes les mouches vous diront que les doigts denfants
sont des démons. Nous ne lapprenons pas daujourdhui
! Ce nest pas leur acte qui nous réveille brusquement ! Qui
nous fait tomber sur le cul ! Qui nous fait de désolation tomber
les bras pour mieux dun grand élan de morale les lever dindignation
en accusateurs.
Allons ! Nous autres le connaissons bien cet acte initiatique de se remettre
au monde en sacrifiant, puisque les fondations de nos civilisations reposent
sur des autels de sang et, en cela, la prison naurait de sens pour
le criminel individuel que dans une société où le
crime collectif nexisterait pas.
Un jeune homme ou une jeune femme entre quatre murs, cela nous fait quoi
? Rien ! Rien à ceux qui lont arrêté, jugé
et condamné. Rien non plus aux victimes.
Par contre lacte criminel est loccasion de rendre un peu Justice
(pas celle des codes) à tous les enfants suicidés sans nous
avoir laissé un mot pour nous «absoudre». En acquittant
les jeunes criminels, non pénalement mais humainement, pour quils
puissent commencer à haïr non ce quils sont mais ce
quils ont fait, nous pourrions commencer à entrevoir leur
réalité (leur affaire criminelle) pour nous conduire vers
leur vérité (leur histoire humaine).
Ces jeunes ont eu le courage de ne pas se tuer (la prison est un suicide
qui laisse en vie un temps X) comme depuis lenfance ils se sentent
pour certains poussés à le faire avant de trouver cette
issue de secours dans la mort, le sacrifice de lautre, cet autre
qui, la plupart du temps, leur ressemble tellement.
Prenons comme cas de figure, la stupidité de la roulette russe.
Une arme et trois jeunes autour. La victime jouant pour lorgueil,
lego, lamour ou lamitié dune personne ou
dun groupe, se tue. Comment aurions nous jugé ce décès
? Meurtre ? Assassinat ? Grosse bêtise ? Rien de tout ça
! Juste un malheur idiot suite au jeu crétin de deux ou dix jeunes
imbéciles. IRRESPONSABLES ! Voilà le seul mot comprenant
le jugement et la condamnation.
La justice, à travers ces jeunes gens criminels, a loccasion
ici de sauto éclairer de compréhension mais, nous
le savons, ne séclairant quà la lueur des bûchers
elle préfère se brûler les yeux.
X années DE RÉCLUSION CRIMINELLE.
Voilà la réponse de la Justice : des années de prison
! Depuis quand un nombre répond à une question humaine ?
Philosophique ? X années. À quoi peut bien servir de les
garder en prison ? Lacte criminel les guérit, la folie lorsquelle
est constatée, pressentie se trouve désamorcée. Cest
avant le crime quil fallait la localiser et il y a toujours tout
pour ça ! Ils sèment pour se retrouver ou quon les
retrouvent.
Des textes, des dessins, des témoignages de lentourage
(parents/profs etc.), une façon dêtre, de rire, parler,
marcher
de vivre.
Oui, du temps où ces enfants étaient lisibles, ils nous
donnaient à lire le filigrane de lacte à venir. Nos
spécialistes ne seraient ils bon qua venir parler, comprendre,
déduire, etc. Et ce, uniquement en cour dassises ? Si oui
? Alors, ils feraient tous mieux de se taire. Puisque X années
dincarcération reste le résultat. Bien sûr il
y a le trouble à lordre public ! Tous les jours en allumant
mon poste de télévision, moi public, je suis plus que troublé,
horrifié, écuré, indigné au point que
lenvie de meurtre me vient tout naturellement comme de la bile.
Quitte à radoter encore et encore, avec ces enfants tueurs nous
avons la chance de connaître des INSUICIDES. Davoir choisi
de vivre même au prix du meurtre nous devrions leur en être
reconnaissants.
Qui peut aujourdhui expliquer à ces jeunes cette peine de
prison ? Peine quils vont faire jour à jour, nuit à
nuit, dans la solitude, la vraie ! Celle qui est habitée par soi
même et pour le/la criminel (le) par sa victime. Aux verbes juger/condamner
allons nous ajouter en X années celui de désespérer.
Allons nous rester avec ces mauvais scénarios pour film de série
Z. Ces mauvais thèmes pour les médiocres débats télévisés
populaires de 20H30 : dans le fait divers ?
Mais nous, que manipulons-nous ? sinon ces enfants attachés les
uns aux autres par le désir daller de lautre côté
du miroir. La Justice scie dans le vif durant linstruction jusquau
procès. Lorsquils sont deux ou trois, complices dans lacte,
nous les amputons les uns des autres avant de les mettre morceau par morceau
à létal dun box de cour dassises. Ces
demi-frères et demi-surs, ces quartiers de mômes ne
se parlent plus, ne se regardent même plus, ne saiment même
plus un petit peu. Ah! oui nous les avons divisés pour mieux les
juger ! Pour mieux régner sur eux, car ils nous font peur ces bébés
là. Voilà la justice ! Son rôle ? Nous amputer les
uns des autres.
Comment pourraient ils répondre à des questions lorsque
la langue de lun est dans la bouche de lautre et réciproquement.
Pour les comprendre il faudrait les unir et non les séparer par
le « chacun pour soi » de lacte criminel.
Sils méritent un châtiment, ils en subissent déjà
un depuis le début. Ils portent leur victime en eux et vous pouvez
appeler ça du remords. Le vrai remords, celui qui va durer bien
plus que les années de prison. Non le remords du meurtre (puisquils
navaient pas dautre choix), mais celui de sêtre
trompé de victime, de sêtre leurré en tuant
une personne masqué du visage cauchemardesque dun autre.
Qui ? Père ? Mère ? Cest à eux de nous le dire
si nous leur rendons leur langue
Après tout. Sur 6 milliards dÊtres Humains, six milliards
de raisons davoir du chagrin, quest- ce quun meurtrier,
quune meurtrière ?
Une fois de plus, la justice confond lHISTOIRE dun acte avec
lAFFAIRE dun acte. En condamnant laffaire et en réduisant
lhistoire, nous nions la vie de lun et lexistence de
lautre.
Pour les familles victimes, comme pour celles des criminels, cest
du domaine de lirréparable et ça ne sert à
rien de mettre des mots là où il faut se taire. Le jeune
tueur a besoin de continuer à vivre et, ce faisant, peut être
aura-til aussi la capacité de faire vivre (non revivre) sa
victime, puisque les seuls capables de donner la vie sont ceux qui la
prennent et les mères. Une femme porte la vie en elle et une autre,
du même âge (la même en fait), la mort. Que pouvons
nous juger entre ces deux points vrais ? Et avec quoi ? Nos petites suspensions
intellectuelles ?
Je le redis, condamner des jeunes gens ne sert à rien et sur le
temps de prison ne servira à rien, si ce nest prendre le
risque de les détruire complètement. Quand je dis à
rien, même pas à exorciser nos peurs ! Peur deux ?
Nous qui vivons sur une planète piégée à chacun
de nos pas ! Même pas à satisfaire les parents dune
victime qui sauront le meurtrier libre un jour et pour qui ce sera encore
une injustice. Alors pourquoi des années denfermement ? Parce
que nayant pas les mots, nous ne pouvons que les calculer ? ZÉRO
! Voilà le mot chiffré qui nous résume. X ans pour
lenfant tueur ? Pour nous laddition de ce que nous sommes
restera zéro.
Je nous en prie ! Ne diabolisons plus ces enfants ensanglantés
car, nous sommes tous en dette vis à vis deux.
Quant à moi, comme le disait je ne sais plus qui
.
« Il vaut mieux se tromper que de se taire ! »